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Médecine légale

Par le Docteur Lorin de la Grandmaison

 

Les blessures :

classification, étiologies, datation



Les blessures sont la marque d’un fait traumatique qui a agressé l’individu.
Les questions médico-légales posées par les blessures sont les suivantes :
- nature de la blessure : contusion, plaie, etc…
- origine de la blessure : type d’agent vulnérant, origine ante ou post mortem
- sens de production de la blessure : agent vulnérant frappant le corps, ou corps tombant sur l’agent vulnérant
- circonstances de la blessure : homicide, suicide, accident
- conséquences de la blessure : au plan local et général, Incapacité Totale de Travail (ITT) chez une victime vivante

I) Examen médico-légal des blessures

Chaque blessure doit faire l’objet d’une description précise :

- Type de blessure
- Siège anatomique par rapport à des rapports anatomiques fixes
- Taille
- Aspect
- Orientation
- Direction

Des photographies avec test centimétrique sont utiles. Les blessures ont intérêt à être reportées sur un schéma lésionnel. La documentation des blessures peut nécessiter de raser certaines zones anatomiques (ex : cuir chevelu).
Il ne faut jamais sonder une blessure avant l’autopsie. Ce geste risque enfin de modifier trajets et profondeurs et risque aussi de déplacer d’éventuels corps étrangers (ex : projectile). Une blessure profonde doit donc être disséquée plan par plan afin d’apprécier sa trajectoire, son étendue et sa profondeur.

II) Classification et étiologies des blessures


Les principaux types de blessures rencontrées en médecine légale peuvent être classés de la façon suivante :

- Abrasions
- Contusions
- Plaies
- Brûlures
- Fractures

Les blessures peuvent aussi être classées en fonction de leurs étiologies :

- Blessures par agent contondant :
- Abrasions
- Ecchymoses
- Hématomes
- Plaies contuses
- Écrasements et broiements
- Fractures
- Blessures par arme blanche :
- Plaies par instrument piquant et/ou tranchant
- Plaies par instrument tranchant
- Plaies par instrument tranchant et contondant
- Blessures par projectile d‘arme à feu :
- Blessures par projectile à balle
- Blessures par projectile à plombs
- Blessures par agents physique et chimique :
- Brûlures thermiques et chimiques
- Lésions d‘électrisation
- Lésions par le froid

De multiples facteurs influent sur l’aspect final et la gravité des blessures secondaires à un agent contondant. Certains de ces facteurs sont dépendants de l’individu (région anatomique impactée, résistance variable des tissus selon l’âge du sujet, état de santé ou prise médicamenteuse pouvant altérer la physiologie de l‘organisme). Il faut tenir compte qu’il existe une grande variation dans la quantité de force nécessaire pour générer une blessure et que l’aspect externe des ces blessures peut sous ou surestimer la gravité de l’impact traumatique.

1) Les abrasions

L’abrasion (synonymes : érosion, écorchure, éraflure, égratignure) est une blessure superficielle caractérisée par une perte de substance épidermique. Il s’agit d’un arrachage de l´épiderme pouvant résulter de deux types de mécanisme :
- forces de friction tangentielles à la peau
- impact perpendiculaire à la surface cutanée
Cette lésion traumatique a pour caractéristique de ne pas saigner ou peu (si elle s’étend dans le . L’abrasion peut reproduire la forme de l’agent vulnérant, en particulier dans le deuxième type de mécanisme. On peut parfois déduire de l’aspect morphologique d’une abrasion la direction des forces de friction : la présence à l’une des extrémités de l’abrasion d’une accumulation de squames épidermiques indique le dernier point de contact de l’agent vulnérant avec la peau.
Les abrasions se dessèchent et prennent un aspect parcheminé jaunâtre après le décès. Si l’abrasion a lieu après le décès, l´évolution est la même. Les zones d’abrasions parcheminées ne sont donc pas caractéristiques de lésions de violence ante mortem.

Il existe des formes particulières d’abrasions :

- Les griffures, excoriations superficielles, sont signe de lutte. Elles sont fréquentes chez l´agresseur comme chez la victime. Elles sont classiques au niveau du cou en cas de strangulation manuelle, constituant les « stigmates unguéaux ». Leur relevé soigneux permet d’estimer la position des mains et des doigts de l´agresseur.
- Les morsures sont des abrasions ecchymotiques (lorsqu’elles sont sévères, elles peuvent prendre l’aspect de plaies contuses). Elles sont fréquentes en cas d´agression sexuelle. Leur examen doit être très précoce en raison de la disparition rapide des empreintes dentaires sur le corps de la victime. Des photographies et des moulages réalisés au moyen de pâte spéciale très fine permettent des comparaisons ultérieures avec les empreintes dentaires de l´agresseur présumé.


2) Les contusions

Les contusions sont les blessures les plus fréquentes.
Elles sont produites par des objets contondants (corps mousses non coupants et non perforants) qui agissent par leur masse et leur vitesse.

a ) L’ecchymose

L’ecchymose est une extravasation sanguine au sein des tissus, secondaire à une rupture capillaire traumatique, entraînant un gonflement tissulaire local.
Son étendue est fonction de :
- l’intensité de la force exercée sur la zone anatomique touchée
- la vascularisation de la région anatomique touchée
- la laxité des tissus lésés
- la dureté du plan anatomique sous-jacent

Elle peut reproduire la forme de l’agent contondant. Si celui-ci est de forme allongée (ex : bâton), on peut observer une zone linéaire de pâleur cutanée bordée de deux bandes ecchymotiques parallèles. Le sang est chassé des vaisseaux au siège de l’impact expliquant la zone de pâleur, alors les berges de la contusion sont distendues avec lésions traumatiques vasculaires.
L ‘ecchymose est une lésion évolutive, selon la chronologie de la biligenèse locale, fonction de la dégradation de l’hémoglobine, permettant une datation grossière. La résorption d’une ecchymose débute par la périphérie. L’ecchymose met d’autant plus de temps à disparaître qu’elle est étendue ou profondément située.
L’ecchymose survient la plus souvent au niveau du choc, mais elle peut migrer sous l’effet de la gravité (ex : ecchymose du cuir chevelu donnant un œil au beurre noir) le long des fascias musculaires. Elle peut être absente en cas d’anémie aiguë ou en cas de décès survenant très rapidement au moment de la violence. A l’inverse, elle est de survenue plus fréquente en cas de troubles de la coagulation (ecchymoses fréquentes des alcooliques chroniques) ou chez les sujets âgés en raison de l’amincissement du tissu conjonctif péri vasculaire (ecchymoses séniles). L’étendue complète d’une ecchymose voire sa présence peut ne pas être apparente sur le simple examen externe du cadavre, nécessitant la pratique de crevées lors de l’autopsie, en particulier dans les zones de prise. Il n’existe pas de corrélation absolue entre lésions décelables à l’examen externe et l’intensité des lésions traumatiques internes constatables à l’autopsie.
Les ecchymoses doivent être différenciées des lividités cadavériques et des taches putréfactives. Les lividités cadavériques ne présentent pas de caractère hémorragique lors des crevées. Elles doivent aussi être distinguées d’un purpura (lésions hémorragiques disséminées) en rapport avec une pathologie médicale ou de lésions dermatologiques (angiomes multiples par exemple).
Il est très difficile de générer des ecchymoses post mortem. Celles-ci sont possibles en cas de traumatisme de forte intensité dans une zone de de lividités. Un examen histologique est alors nécessaire afin de différencier le caractère ante mortem ou post mortem de l’ecchymose (recherche d’hémosidérine apparaissant toutefois dans un délai d’environ 48 h).


b) L’hématome

L’hématome est une collection de sang dans une cavité néo-formée. Ceci implique que l´épanchement sanguin soit important, au point d´écarter les tissus et de créer une véritable néo-cavité. L’hématome est secondaire à la rupture traumatique de vaisseaux de plus gros calibre que les capillaires. Un hématome n’est pas forcément secondaire à un traumatisme. Il peut aussi résulter d’une complication hémorragique d’une pathologie médicale (par exemple, formation d’un hématome rétro péritonéal par rupture d’un anévrysme de l’aorte abdominale).
L’évolution d’un hématome est plus longue que celle d’une ecchymose, pouvant même aboutir à des enkystements définitifs.
Il peut être directement responsable du décès, soit en cas de localisation intracrânienne (hématome sous-dural ou extra-dural), soit par hypovolémie en cas de séquestration de grandes quantités de sang.

c) Les écrasements et les broiements

Ce sont des contusions, souvent associées à des plaies, mais elles diffèrent des autres contusions par l´importance du retentissement général (crush syndrome : état de choc avec rhabdomyolyse et insuffisance rénale aiguë) et par l’importance de l’agent traumatisant (ex : enfouissement sous des décombres).
On peut observer des avulsions traumatiques avec de larges pertes de substance en rapport avec des zones de décollement traumatique tissulaire (ex : lésions de franchissement d’un piéton par un véhicule automobile).

3) Les plaies

Une plaie est une solution de continuité au niveau des tissus (peau, organe). Une plaie peut être :
- simple, à bords nets
- contuse, lorsque qu’une contusion est associée, aux berges souvent irrégulières. La plaie contuse est entourée par une zone ecchymotique.

En fonction de l’étiologie, on distingue ainsi les plaies contuses produites par instrument contondant et les plaies par arme blanche. Ces dernières regroupent les plaies par instrument piquant et/ou tranchant, les plaies par instrument tranchant (coupant) et les plaies par instrument à la fois tranchants et contondants (ex : hache).

a) Plaies contuses


Une plaie contuse est causée par l’impact d’un objet ou contre un objet contondant dont la force excède la capacité de résistance élastique de la peau et des tissus sous-cutanés, Il s’agit donc d’une déchirure traumatique. Les plaies contuses sont plus fréquemment rencontrées dans les zones où il existe des structures osseuses sous-jacentes (face, cuir chevelu, genoux, coudes…) car les tissus sont brutalement comprimés contre les surfaces osseuses au moment de l’impact traumatique.
Elles présentent des berges irrégulières, contuses, parfois déchiquetées. Il existe des ponts tissulaires dans le fond de la blessure correspondant à des bandes de tissu conjonctif épargnées traversant la plaie en profondeur.
Des blessures provoquées par du verre peuvent avoir un aspect à la fois de plaies contuses et de coupures. Des plaies contuses s’observent aussi en cas de coups portés avec une hache.

b) Plaies par instrument piquant et/ou tranchant

Ces blessures sont causées par des instruments à bout pointu (couteau, ciseaux, épée, tournevis…).
Elles ont pour caractéristique générale le fait que leur profondeur de pénétration est supérieure en taille à leur longueur.
La forme habituelle est celle d’une fente dont les berges peuvent être nettes, abrasées, encochées ou déchirées.
Si l’agent en cause est un couteau à double tranchant, la blessure présente deux extrémités aiguës. S’il s’agit d’un couteau possédant un seul tranchant, la blessure présente deux extrémités asymétriques. L’une de ces extrémités est aiguë, correspondant au tranchant de l’arme. L’autre extrémité correspondant au talon de l’arme présente soit un bord carré, soit une forme en queue de poisson. Ce dernier aspect est observé lorsque cette extrémité se déchire en deux fentes.
L’aspect des plaies peut être atypique en fonction de l’instrument utilisé. Les ciseaux peuvent provoquer une blessure en forme de Z. Un tournevis cruciforme entraîne des pertes de substance étoilées dont les berges sont abrasées. Plus la pointe de l’instrument utilisé est mousse, plus la perte de substance sera grossière et d’aspect étoilé.

c) Plaies par instrument tranchant

Il s’agit d’incisions à bords nets, c’est-à-dire de coupures, dont la longueur est supérieure en taille à la profondeur de pénétration. Elles sont habituellement moins dangereuses que les blessures occasionnées par les instruments piquants et/ou tranchants. Elles peuvent être mortelles lorsqu’elles siègent notamment au cou ou aux poignets. Elles sont souvent observées dans les suicides.
En cas de coupure, les berges de la plaie sont nettes, franches sauf lorsque la lame est émoussée. La direction est généralement linéaire, plus rarement courbe.
Il n’est pas possible à partir de l’aspect d’une coupure d’en déduire le type de l’instrument en cause, sauf cas particulier. Ainsi, une lame en dent de scie peut entraîner une incision à bords nets prolongées d’abrasions linéaires discontinues. Par ailleurs, les coupures se terminent parfois par un aspect en queue de rat, indiquant la direction du coup porté. Cet aspect peut cependant aussi marquer le début d’une coupure.

d) Plaies par instrument tranchant et contondant

Des plaies contuses s’observent aussi en cas de coups portés par des instruments à la fois tranchants et contondants (ex : hache, sabre, hachoir, machette, couperet).
Ces plaies présentent des berges irrégulières, contuses, parfois déchiquetées. Il existe des ponts tissulaires dans le fond de la blessure correspondant à des bandes de tissu conjonctif épargnées traversant la plaie en profondeur. Elles peuvent être associées en profondeur à une fracture comminutive ou à un profond sillon osseux. Le type de striation retrouvé sur l’os peut être caractéristique d’une famille d’armes. Ainsi, les couperets produisent des striations fines, nettes et bien distinctes, alors que celles produites par les machettes sont plus grossières mais plus marquées en profondeur. Les haches ne provoquent pas de striations mais plutôt des écrasements avec fractures associées.

e) Plaies par projectile d’arme à feu

Les blessures par projectile d‘arme à feu sont divisées en quatre grandes catégories en fonction de la distance de tir :
- Tir à bout touchant
- Tir à bout portant
- Tir à distance intermédiaire
- Tir à distance



Blessures par projectile à balle d’arme à feu



Lors d’un tir à bout touchant, la bouche du canon de l’arme est en contact avec le corps de la victime. Il s’agit d’un tir à bout touchant appuyé si la bouche du canon est appuyée fermement contre la peau.

L’aspect d’un orifice d’entrée en rapport avec un tir à bout touchant appuyé est le suivant :

- Berges de l’orifice brûlées (par les gaz chauds de combustion)
- Berges de l’orifice noircies de suie (les gaz de combustion sont chargés de suie)
- Possibilité de chambre de mine (en fonction du siège) qui résulte de la détente des gaz de combustion dans les tissus
- Présence d’une abrasion en périphérie de l’orifice reproduisant l’empreinte du canon voire du viseur
- Absence de collerette de suie

La présence d’une chambre de mine modifie complètement l’aspect de l’orifice d’entrée. Celui-ci prend alors en effet un aspect de plaie contuse éclatée, en raison de la brusque expansion des gaz de combustion. L’effet chambre de mine peut renforcer l’empreinte du canon sur la peau.

L’aspect d’un orifice d’entrée en rapport avec un tir à bout touchant est le suivant :

- Berges de l’orifice brûlées
- Présence d’une collerette de suie (zone d’estompage) autour de l’orifice :
- Collerette concentrique si le canon est perpendiculaire à la surface de la peau
- Collerette excentrique en cas d’angulation, située dans ce cas à l’opposé de la position du canon


L’aspect d’un orifice d’entrée en rapport avec un tir à bout portant est le suivant :

- Présence d’une zone de peau brûlée en périphérie de l’orifice
- Présence d’une collerette de suie (les dépôts de suie sont observés pour des distances inférieures à 30 cm environ)

Lorsque le canon fait un angle avec la surface de la peau de la victime, ces deux zones sont excentriques, siégeant du côté de canon.

L’aspect d’un orifice d’entrée en rapport avec un tir à distance intermédiaire est le suivant :

- Présence d’un tatouage de poudre :
- Concentrique si le canon était perpendiculaire à la surface de la peau
- Excentrique en cas d’angulation, avec tatouage siégeant du côté du canon

Le tatouage de poudre correspond à l’ensemble des abrasions punctiformes secondaires à l’impact sur la peau des grains de poudre (taille millimétrique). Le tatouage de poudre est à distinguer du pseudo-tatouage occasionné par l’impact sur la peau de fragments de projectile ou de cibles intermédiaires. Les marques sont dans ce cas plus larges et plus irrégulières que celles observées dans le vrai tatouage de poudre.
Il peut s’associer au tatouage de poudre des dépôts de suie (absents au delà de 30 cm environ).
La densité du tatouage de poudre diminue avec la distance de tir. Il s’observe jusqu’à une distance d’environ 1 m pour les armes de poing.

On parle généralement de tir à distance pour des distances de tir supérieures à 1,5 m.

L’aspect d’un orifice d’entrée en rapport avec un tir à distance est le suivant :

- Présence d’une collerette érosive (directement liée au passage du projectile, non à sa chaleur ou à sa rotation) :
- Concentrique
- Excentrique en cas d’angulation, du côté d’où vient le projectile
- Présence d’une collerette d’essuyage grisâtre, mieux visible sur les vêtements.

L’aspect d’un orifice de sortie est le même quelle que soit la distance de tir et quel que soit le type de balle.

L’aspect d’un orifice de sortie est le suivant :

- Orifice plus grand et plus irrégulier qu’un orifice d’entrée
- Absence de collerette érosive
- Forme de l’orifice très variable (étoilé, circulaire, en croissant, pouvant aussi prendre la forme d‘une plaie par arme blanche)

La direction de la balle ayant perforé le crâne peut être déterminée d’après l’aspect des orifices osseux. Un orifice d’entrée osseux est rond ou ovale, à bords taillés à l’emporte-pièce au niveau de la table externe et se présente comme un cône évasé vers l’intérieur sur le versant endocrânien. L’orifice de sortie osseux présente un aspect à l’emporte-pièce sur le versant endocrânien et un cône évasé vers l’extérieur sur le versant exocrânien.

Blessures par projectile à plomb d’arme à feu

Les plombs font un effet balle à courte distance puis se dispersent. Ainsi l’aspect de l’orifice d’entrée se superpose de façon générale à celui observé avec un projectile à balle dans les cas de tir à bout touchant, portant et intermédiaire.
L’orifice d’entrée est unique pour une distance de moins de 60 cm. A partir de 90 cm, l’orifice est toujours unique mais présente des berges festonnées, crénelées en "trou de rat" (aspect de morsures périphériques). Vers 120 cm, l’orifice d’entrée principal est associé à des orifices satellites, correspondant à un début de dispersion des plombs. Vers 200 cm, il existe une couronne d’orifices satellites autour de l’orifice principal. A plus de 10 m, il ne persiste que de multiples orifices dispersés.
La mesure du diamètre maximum de cette dispersion permet une estimation du diamètre de la gerbe de plombs lors de son impact et peut aider à la détermination de la distance de tir. Le diamètre (D) est lié à la distance de tir (R) selon la formule suivante :
D (cm)/2,5 = R (m)
Cette formule est à appliquer avec prudence et seuls des tirs de comparaison avec la même arme et le même type de munition permettent d’estimer avec précision la distance de tir.
 


4) BrUlures

On distingue les brûlures par agent physique des brûlures par agent chimique.

a) Brûlures par agent physique

Elles regroupent les brûlures thermiques causées par le feu et la chaleur, les brûlures électriques et les brûlures par radiations ionisantes. Elles sont souvent accidentelles, rarement suicidaires (immolation par le feu) ou criminelles (torture, dissimulation secondaire d’un homicide par un incendie).

L’aspect des brûlures thermiques diffère selon la gravité : érythème, phlyctène, escarre ou carbonisation. La majorité des décès ayant lieu au cours d'un incendie sont secondaires à l'inhalation de monoxyde de carbone ou d'autres gaz toxiques comme le cyanure d'hydrogène, et non de brûlures. L'étape de carbonisation si elle a lieu survient donc le plus souvent après le décès.

Lorsqu’un contact électrique est prolongé ou lorsqu’il s’agit d’un haut voltage, on peut observer des brûlures étendues et graves. Si la peau est humide, ou si la zone de contact est très étendue (corps électrocuté immergé), aucune lésion n’est observée sur les téguments. En règle générale, une marque électrique focale, discrète peut être identifiée au point d’entrée du courant électrique, siégeant fréquemment au niveau des mains. Il s’agit le plus souvent d’une lésion cutanée à type de bulle, mesurant de quelques mm à quelques cm, entourée d’une couronne de peau très pâle en rapport avec une vasoconstriction locale. Ce type de brûlure électrique peut aussi présenter un aspect de petite zone déprimée, parcheminée.

Les brûlures par radiations ionisantes sont très rares. Elles sont très particulières par leur évolution et leur profondeur. Leur étiologie est toujours connue : accidents iatrogènes, accidents professionnels.

b) Brûlures par agent chimique

Les brûlures par agents chimiques sont secondaires à l'action de produits corrosifs (bases, acides). Les traces de brûlures caustiques observées autour de la bouche sont classiquement brunâtres pour l´ingestion d´acides et blanchâtres dans le cas de bases. Les bases fortes produisent des effets corrosifs surtout dans l’œsophage alors que les effets corrosifs des acides forts sont surtout observés au niveau de la petite courbure de l´estomac.
Les brûlures chimiques n'aboutissent jamais à une carbonisation. Souvent des aspects de coulures ou une topographie particulière orientent vers cette étiologie.


5) Fractures

Les fractures sont des solutions de continuité osseuse dont l’aspect peut faire évoquer le mécanisme et le type de violence : zone de choc et direction du choc en cas de fracture directe, mécanisme de torsion ou de compression en cas de fracture indirecte ou complexe.
Les fractures s’accompagnent ou non de lésions associées. Les fractures sont ouvertes en cas plaies associées.


III) Aspect évocateur des blessures

Certaines des blessures ont des caractéristiques qui, sans être spécifiques, sont cependant très évocatrices des circonstances de survenue :
- Les blessures liées à des auto-mutilations sont habituellement multiples, superficielles, évitant les zones très sensibles ou réputées dangereuses telles que le cou, les poignets, le triangle de Scarpa.
- Les blessures dans un contexte de suicide sont souvent incomplètes, superficielles, multiples, parallèles, réalisant des coupures d’hésitation. Elles sont surtout présentes au niveau des extrémités (poignets, avant-bras, racine des cuisses). Elles sont de siège plus à gauche chez le droitier, dans des zones accessibles. Elles nécessitent toujours de vérifier leur faisabilité.
- Les blessures dans un contexte d’homicide sont plus franches, plus profondes, moins nombreuses, pouvant être localisées dans des zones anatomiques inaccessibles. Elles sont souvent associées à des lésions de défense (ex : coupures présentes aux mains chez une victime cherchant à se protéger ou à saisir l’arme de son agresseur). En cas de crime sexuel, les blessures sont souvent multiples, très délabrantes, pouvant être localisées dans les régions génitales ou au niveau des seins.
- Les blessures iatrogènes doivent être évoquées en présence de points de piqûre au niveau des régions latérales du cou (jugulaires), sous-clavière, fémorale. Un aspect de plaie par arme blanche peut s’observer après la pose d’un drain thoracique. Des fractures costales étagées peuvent être constatées après des manœuvres de massage cardiaque externe vigoureux. Un trou de trépan crânien est observé en cas d’évacuation d’un hématome ou prise de pression intracrânienne.
- Les blessures postmortem peuvent être constatées dans de nombreuses circonstances : dépeçage criminel afin d’empêcher l’identification de la victime, acharnement post mortem en cas de crime passionnel ou sexuel, nécrophilie, action d’animaux carnassiers (chien, chat, rat …). Elles ont pour caractéristiques l’absence d’hémorragie et d’ecchymose périphérique.

 


IV) Datation des blessures

Le diagnostic du caractère vital ou post mortem d'une blessure et la détermination de la chronologie des blessures est un problème courant en médecine légale, d'une grande difficulté, souvent non résolu.

La présence d'une réaction inflammatoire témoigne du caractère vital d'une blessure. Le degré d'inflammation présent est fonction du temps écoulé depuis le moment où la blessure a été infligée, permettant d'évaluer approximativement son ancienneté. Il existe cependant une période d'incertitude péri mortem liée au phénomène de supra vitalité : Les tissus conservent leurs fonctions vitales après la mort durant un certain temps, fonction de leur capacité à résister à l'anoxie.

La datation des blessures chez le mort peut être précisée par des techniques biochimiques et anatomo-pathologiques. Leur intérêt est surtout comparatif. Ces techniques nécessitent impérativement des contrôles internes (prélèvements de peau non lésée du même individu dans la région anatomique où siège la blessure). Seuls les résultats positifs ont une valeur et sont interprétables de façon fiable.

La mise en évidence histologique d’une réaction inflammatoire témoigne du caractère vital de la blessure. La présence de polynucléaires neutrophiles en dehors de la zone de saignement est l’élément cellulaire le plus précoce, survenant dans un délai d’au moins 20 à 30 minutes (en moyenne 30-120 minutes). Une infiltration macrophagique importante traduit généralement une blessure âgée d’au moins 1-2 jours. Les macrophages prédominent sur les polynucléaires après une période d’au moins 12-24 heures. Un tissu de granulation apparaît entre un et trois jours. De nombreux marqueurs immunohistochimiques sont exploitables afin d'estimer l'âge d'une blessure. L'estimation est plus précise si plusieurs marqueurs sont recherchés conjointement. L'immunohistochimie exige un délai post mortem court (bruit de fond en cas d'autolyse avancée) et la réalisation de contrôles négatifs et de contrôles internes. Les zones hémorragiques, les zones de destruction du tissu conjonctif de la blessure et les limites de résection du prélèvement sont des sources de faux positif. La détection de collagènes de type I, III, V et VI et de composants de la membrane basale épidermique permet d'estimer l'âge de la blessure pour des blessures récemment infligées, de l'ordre de quelques jours.

L’analyse morphologique est utilement complétée par la biochimie. Il existe une augmentation des taux d'histamine, de sérotonine, de cathepsine D dans les blessures vitales.
La cathepsine D, protéinase acide contenue dans les lysosomes des polynucléaires neutrophiles, est un bon marqueur vital des blessures (ainsi que l’histamine produite par les mastocytes et la sérotonine) en l´absence de putréfaction.

La datation des blessures chez le vivant est limitée sauf exception (exérèse chirurgicale) à l’observation macroscopique. L’âge des plaies est évalué approximativement par le degré apparent de cicatrisation. L’âge des ecchymoses est basé sur le changement de leur couleur en fonction du temps écoulé depuis l’instant où elles ont été produites. Les différents produits de dégradation de l’hémoglobine sont à l’origine de la variation colorimétrique des ecchymoses. L´hémoglobine est dégradée en biliverdine, elle-même réduite en bilirubine par une enzyme, la biliverdine réductase cytosolique. Il existe une grande variabilité inter et intra-individuelle de la couleur des ecchymoses en fonction du temps, rendant impossible une estimation précise de leur ancienneté. De nombreux facteurs interviennent en effet parmi lesquels le siège, l’étendue, la profondeur et le nombre des ecchymoses, ainsi que l’âge de la victime et l’existence éventuelle de troubles de la coagulation. Une ecchymose superficielle peut apparaître instantanément alors qu’une ecchymose profonde apparaît de façon retardée dans un délai de 24 à 48 heures. Les ecchymoses sont de coloration rougeâtre après leur constitution, puis prennent des teintes violacées puis deviennent verdâtres au bout de 4 à 7 jours et jaunâtres à partir du septième jour. La couleur jaune qui représente le changement le plus significatif en fonction du temps peut apparaître beaucoup plus tôt, mais au delà toutefois de 18 heures. Les ecchymoses disparaissent environ au bout de deux à trois semaines, par résorption à partir de la périphérie.

V) Complications médicales des blessures

1) Les infections

Les infections sont la complication la plus fréquente des traumatismes. Leur risque est augmenté en cas de mesures invasives pratiquées lors de la prise en charge médicale (réanimation++). Les pneumonies peuvent engager le pronostic vital. Les facteurs prédisposant à une pneumonie post-traumatique sont un immobilité, une atélectasie, une ventilation mécanique, une inhalation ou un sepsis.

2) Coagulation intravasculaire disséminée

Cette coagulopathie de consommation est une complication classique des graves traumatismes crâniens. Le cerveau a des concentrations élevées en thromboplastine tissulaire, qui est relarguée lors d’un traumatisme crânien et va initier des phénomènes de coagulation et la consommation des facteurs de coagulation, responsables d’hémorragies.

3) Syndrome de détresse respiratoire aigue

Non spécifique, il peut être secondaire à un traumatisme. Un sepsis est un des facteurs de prédisposition les plus courants. Il résulte d’une atteinte de la barrière alvéolo-capillaire avec augmentation anormale de la perméabilité microvasculaire.

4) Thromboses veineuses profondes

Elles peuvent être compliquées d’embolie pulmonaire mortelle.


5) Embolie graisseuse

Une embolie graisseuse doit être suspecté chez un patient traumatisé devant l’apparition de symptômes associant tachypnée, dyspnée, confusion. Des pétéchies peuvent aussi être visibles au niveau du tronc et des conjonctives. Ces symptômes peuvent apparaître quelques heures à quelques jours après la survenue du traumatisme.
L’embolie graisseuse est une complication classique des fractures du bassin et des os longs.
Sur le plan histologique, les gouttelettes lipidiques optiquement vides intravasculaires peut être mise en évidence sur des tissus de poumon et de cerveau en congélation par la coloration de l’huile rouge soit par l’acide osmique sur tissu fixé.

6) Ulcères de stress

Des ulcères gastriques ou duodénaux peuvent s’observer dans les grands états de choc post-traumatiques.