Médecine
légale
Par le Docteur Lorin de la Grandmaison
Les blessures :
classification,
étiologies, datation
Les blessures sont la marque d’un fait traumatique qui a agressé l’individu.
Les questions médico-légales posées par les blessures sont les suivantes :
- nature de la blessure : contusion, plaie, etc…
- origine de la blessure : type d’agent vulnérant, origine ante ou post mortem
- sens de production de la blessure : agent vulnérant frappant le corps, ou
corps tombant sur l’agent vulnérant
- circonstances de la blessure : homicide, suicide, accident
- conséquences de la blessure : au plan local et général, Incapacité Totale de
Travail (ITT) chez une victime vivante
I) Examen médico-légal des blessures
Chaque blessure doit faire l’objet d’une description précise :
- Type de blessure
- Siège anatomique par rapport à des rapports anatomiques fixes
- Taille
- Aspect
- Orientation
- Direction
Des photographies avec test centimétrique sont utiles. Les blessures ont intérêt
à être reportées sur un schéma lésionnel. La documentation des blessures peut
nécessiter de raser certaines zones anatomiques (ex : cuir chevelu).
Il ne faut jamais sonder une blessure avant l’autopsie. Ce geste risque enfin de
modifier trajets et profondeurs et risque aussi de déplacer d’éventuels corps
étrangers (ex : projectile). Une blessure profonde doit donc être disséquée plan
par plan afin d’apprécier sa trajectoire, son étendue et sa profondeur.
II) Classification et étiologies des blessures
Les principaux types de blessures rencontrées en médecine légale peuvent être
classés de la façon suivante :
- Abrasions
- Contusions
- Plaies
- Brûlures
- Fractures
Les blessures peuvent aussi être classées en fonction de leurs étiologies :
- Blessures par agent contondant :
- Abrasions
- Ecchymoses
- Hématomes
- Plaies contuses
- Écrasements et broiements
- Fractures
- Blessures par arme blanche :
- Plaies par instrument piquant et/ou tranchant
- Plaies par instrument tranchant
- Plaies par instrument tranchant et contondant
- Blessures par projectile d‘arme à feu :
- Blessures par projectile à balle
- Blessures par projectile à plombs
- Blessures par agents physique et chimique :
- Brûlures thermiques et chimiques
- Lésions d‘électrisation
- Lésions par le froid
De multiples facteurs influent sur l’aspect final et la gravité des blessures
secondaires à un agent contondant. Certains de ces facteurs sont dépendants de
l’individu (région anatomique impactée, résistance variable des tissus selon
l’âge du sujet, état de santé ou prise médicamenteuse pouvant altérer la
physiologie de l‘organisme). Il faut tenir compte qu’il existe une grande
variation dans la quantité de force nécessaire pour générer une blessure et que
l’aspect externe des ces blessures peut sous ou surestimer la gravité de
l’impact traumatique.
1) Les abrasions
L’abrasion (synonymes : érosion, écorchure, éraflure, égratignure) est une
blessure superficielle caractérisée par une perte de substance épidermique. Il
s’agit d’un arrachage de l´épiderme pouvant résulter de deux types de mécanisme
:
- forces de friction tangentielles à la peau
- impact perpendiculaire à la surface cutanée
Cette lésion traumatique a pour caractéristique de ne pas saigner ou peu (si
elle s’étend dans le . L’abrasion peut reproduire la forme de l’agent vulnérant,
en particulier dans le deuxième type de mécanisme. On peut parfois déduire de
l’aspect morphologique d’une abrasion la direction des forces de friction : la
présence à l’une des extrémités de l’abrasion d’une accumulation de squames
épidermiques indique le dernier point de contact de l’agent vulnérant avec la
peau.
Les abrasions se dessèchent et prennent un aspect parcheminé jaunâtre après le
décès. Si l’abrasion a lieu après le décès, l´évolution est la même. Les zones
d’abrasions parcheminées ne sont donc pas caractéristiques de lésions de
violence ante mortem.
Il existe des formes particulières d’abrasions :
- Les griffures, excoriations
superficielles, sont signe de lutte. Elles sont fréquentes chez l´agresseur
comme chez la victime. Elles sont classiques au niveau du cou en cas de
strangulation manuelle, constituant les « stigmates unguéaux ». Leur relevé
soigneux permet d’estimer la position des mains et des doigts de l´agresseur.
- Les morsures sont des abrasions
ecchymotiques (lorsqu’elles sont sévères, elles peuvent prendre l’aspect de
plaies contuses). Elles sont fréquentes en cas d´agression sexuelle. Leur examen
doit être très précoce en raison de la disparition rapide des empreintes
dentaires sur le corps de la victime. Des photographies et des moulages réalisés
au moyen de pâte spéciale très fine permettent des comparaisons ultérieures avec
les empreintes dentaires de l´agresseur présumé.
2) Les
contusions
Les contusions sont les blessures les plus fréquentes.
Elles sont produites par des objets contondants (corps mousses non coupants et
non perforants) qui agissent par leur masse et leur vitesse.
a ) L’ecchymose
L’ecchymose est une extravasation sanguine au sein des tissus, secondaire à une
rupture capillaire traumatique, entraînant un gonflement tissulaire local.
Son étendue est fonction de :
- l’intensité de la force exercée sur la zone anatomique touchée
- la vascularisation de la région anatomique touchée
- la laxité des tissus lésés
- la dureté du plan anatomique sous-jacent
Elle peut reproduire la forme de l’agent contondant. Si celui-ci est de forme
allongée (ex : bâton), on peut observer une zone linéaire de pâleur cutanée
bordée de deux bandes ecchymotiques parallèles. Le sang est chassé des vaisseaux
au siège de l’impact expliquant la zone de pâleur, alors les berges de la
contusion sont distendues avec lésions traumatiques vasculaires.
L ‘ecchymose est une lésion évolutive, selon la chronologie de la biligenèse
locale, fonction de la dégradation de l’hémoglobine, permettant une datation
grossière. La résorption d’une ecchymose débute par la périphérie. L’ecchymose
met d’autant plus de temps à disparaître qu’elle est étendue ou profondément
située.
L’ecchymose survient la plus souvent au niveau du choc, mais elle peut migrer
sous l’effet de la gravité (ex : ecchymose du cuir chevelu donnant un œil au
beurre noir) le long des fascias musculaires. Elle peut être absente en cas
d’anémie aiguë ou en cas de décès survenant très rapidement au moment de la
violence. A l’inverse, elle est de survenue plus fréquente en cas de troubles de
la coagulation (ecchymoses fréquentes des alcooliques chroniques) ou chez les
sujets âgés en raison de l’amincissement du tissu conjonctif péri vasculaire
(ecchymoses séniles). L’étendue complète d’une ecchymose voire sa présence peut
ne pas être apparente sur le simple examen externe du cadavre, nécessitant la
pratique de crevées lors de l’autopsie, en particulier dans les zones de prise.
Il n’existe pas de corrélation absolue entre lésions décelables à l’examen
externe et l’intensité des lésions traumatiques internes constatables à
l’autopsie.
Les ecchymoses doivent être différenciées des lividités cadavériques et des
taches putréfactives. Les lividités cadavériques ne présentent pas de caractère
hémorragique lors des crevées. Elles doivent aussi être distinguées d’un purpura
(lésions hémorragiques disséminées) en rapport avec une pathologie médicale ou
de lésions dermatologiques (angiomes multiples par exemple).
Il est très difficile de générer des ecchymoses post mortem. Celles-ci sont
possibles en cas de traumatisme de forte intensité dans une zone de de
lividités. Un examen histologique est alors nécessaire afin de différencier le
caractère ante mortem ou post mortem de l’ecchymose (recherche d’hémosidérine
apparaissant toutefois dans un délai d’environ 48 h).
b) L’hématome
L’hématome est une collection de sang dans une cavité néo-formée. Ceci implique
que l´épanchement sanguin soit important, au point d´écarter les tissus et de
créer une véritable néo-cavité. L’hématome est secondaire à la rupture
traumatique de vaisseaux de plus gros calibre que les capillaires. Un hématome
n’est pas forcément secondaire à un traumatisme. Il peut aussi résulter d’une
complication hémorragique d’une pathologie médicale (par exemple, formation d’un
hématome rétro péritonéal par rupture d’un anévrysme de l’aorte abdominale).
L’évolution d’un hématome est plus longue que celle d’une ecchymose, pouvant
même aboutir à des enkystements définitifs.
Il peut être directement responsable du décès, soit en cas de localisation
intracrânienne (hématome sous-dural ou extra-dural), soit par hypovolémie en cas
de séquestration de grandes quantités de sang.
c) Les écrasements et les broiements
Ce sont des contusions, souvent associées à des plaies, mais elles diffèrent des
autres contusions par l´importance du retentissement général (crush syndrome :
état de choc avec rhabdomyolyse et insuffisance rénale aiguë) et par
l’importance de l’agent traumatisant (ex : enfouissement sous des décombres).
On peut observer des avulsions traumatiques avec de larges pertes de substance
en rapport avec des zones de décollement traumatique tissulaire (ex : lésions de
franchissement d’un piéton par un véhicule automobile).
3) Les plaies
Une plaie est une solution de continuité au niveau des tissus (peau, organe).
Une plaie peut être :
- simple, à bords nets
- contuse, lorsque qu’une contusion est associée, aux berges souvent
irrégulières. La plaie contuse est entourée par une zone ecchymotique.
En fonction de l’étiologie, on distingue ainsi les plaies contuses produites par
instrument contondant et les plaies par arme blanche. Ces dernières regroupent
les plaies par instrument piquant et/ou tranchant, les plaies par instrument
tranchant (coupant) et les plaies par instrument à la fois tranchants et
contondants (ex : hache).
a) Plaies contuses
Une plaie contuse est causée par l’impact d’un objet ou contre un objet
contondant dont la force excède la capacité de résistance élastique de la peau
et des tissus sous-cutanés, Il s’agit donc d’une déchirure traumatique. Les
plaies contuses sont plus fréquemment rencontrées dans les zones où il existe
des structures osseuses sous-jacentes (face, cuir chevelu, genoux, coudes…) car
les tissus sont brutalement comprimés contre les surfaces osseuses au moment de
l’impact traumatique.
Elles présentent des berges irrégulières, contuses, parfois déchiquetées. Il
existe des ponts tissulaires dans le fond de la blessure correspondant à des
bandes de tissu conjonctif épargnées traversant la plaie en profondeur.
Des blessures provoquées par du verre peuvent avoir un aspect à la fois de
plaies contuses et de coupures. Des plaies contuses s’observent aussi en cas de
coups portés avec une hache.
b) Plaies par instrument piquant et/ou tranchant
Ces blessures sont causées par des instruments à bout pointu (couteau, ciseaux,
épée, tournevis…).
Elles ont pour caractéristique générale le fait que leur profondeur de
pénétration est supérieure en taille à leur longueur.
La forme habituelle est celle d’une fente dont les berges peuvent être nettes,
abrasées, encochées ou déchirées.
Si l’agent en cause est un couteau à double tranchant, la blessure présente deux
extrémités aiguës. S’il s’agit d’un couteau possédant un seul tranchant, la
blessure présente deux extrémités asymétriques. L’une de ces extrémités est
aiguë, correspondant au tranchant de l’arme. L’autre extrémité correspondant au
talon de l’arme présente soit un bord carré, soit une forme en queue de poisson.
Ce dernier aspect est observé lorsque cette extrémité se déchire en deux fentes.
L’aspect des plaies peut être atypique en fonction de l’instrument utilisé. Les
ciseaux peuvent provoquer une blessure en forme de Z. Un tournevis cruciforme
entraîne des pertes de substance étoilées dont les berges sont abrasées. Plus la
pointe de l’instrument utilisé est mousse, plus la perte de substance sera
grossière et d’aspect étoilé.
c) Plaies par instrument tranchant
Il s’agit d’incisions à bords nets, c’est-à-dire de coupures, dont la longueur
est supérieure en taille à la profondeur de pénétration. Elles sont
habituellement moins dangereuses que les blessures occasionnées par les
instruments piquants et/ou tranchants. Elles peuvent être mortelles lorsqu’elles
siègent notamment au cou ou aux poignets. Elles sont souvent observées dans les
suicides.
En cas de coupure, les berges de la plaie sont nettes, franches sauf lorsque la
lame est émoussée. La direction est généralement linéaire, plus rarement courbe.
Il n’est pas possible à partir de l’aspect d’une coupure d’en déduire le type de
l’instrument en cause, sauf cas particulier. Ainsi, une lame en dent de scie
peut entraîner une incision à bords nets prolongées d’abrasions linéaires
discontinues. Par ailleurs, les coupures se terminent parfois par un aspect en
queue de rat, indiquant la direction du coup porté. Cet aspect peut cependant
aussi marquer le début d’une coupure.
d) Plaies par instrument tranchant et contondant
Des plaies contuses s’observent aussi en cas de coups portés par des instruments
à la fois tranchants et contondants (ex : hache, sabre, hachoir, machette,
couperet).
Ces plaies présentent des berges irrégulières, contuses, parfois déchiquetées.
Il existe des ponts tissulaires dans le fond de la blessure correspondant à des
bandes de tissu conjonctif épargnées traversant la plaie en profondeur. Elles
peuvent être associées en profondeur à une fracture comminutive ou à un profond
sillon osseux. Le type de striation retrouvé sur l’os peut être caractéristique
d’une famille d’armes. Ainsi, les couperets produisent des striations fines,
nettes et bien distinctes, alors que celles produites par les machettes sont
plus grossières mais plus marquées en profondeur. Les haches ne provoquent pas
de striations mais plutôt des écrasements avec fractures associées.
e) Plaies par projectile d’arme à feu
Les blessures par projectile d‘arme à feu sont divisées en quatre grandes
catégories en fonction de la distance de tir :
- Tir à bout touchant
- Tir à bout portant
- Tir à distance intermédiaire
- Tir à distance
Blessures par projectile à balle
d’arme à feu
Lors d’un tir à bout touchant, la bouche du canon de l’arme est en contact avec
le corps de la victime. Il s’agit d’un tir à bout touchant appuyé si la bouche
du canon est appuyée fermement contre la peau.
L’aspect d’un orifice d’entrée en rapport avec un tir à bout touchant appuyé est
le suivant :
- Berges de l’orifice brûlées (par les gaz chauds de combustion)
- Berges de l’orifice noircies de suie (les gaz de combustion sont chargés de
suie)
- Possibilité de chambre de mine (en fonction du siège) qui résulte de la
détente des gaz de combustion dans les tissus
- Présence d’une abrasion en périphérie de l’orifice reproduisant l’empreinte du
canon voire du viseur
- Absence de collerette de suie
La présence d’une chambre de mine modifie complètement l’aspect de l’orifice
d’entrée. Celui-ci prend alors en effet un aspect de plaie contuse éclatée, en
raison de la brusque expansion des gaz de combustion. L’effet chambre de mine
peut renforcer l’empreinte du canon sur la peau.
L’aspect d’un orifice d’entrée en rapport avec un tir à bout touchant est le
suivant :
- Berges de l’orifice brûlées
- Présence d’une collerette de suie (zone d’estompage) autour de l’orifice :
- Collerette concentrique si le canon est perpendiculaire à la surface de la
peau
- Collerette excentrique en cas d’angulation, située dans ce cas à l’opposé de
la position du canon
L’aspect d’un orifice d’entrée en rapport avec un tir à bout portant est le
suivant :
- Présence d’une zone de peau brûlée en périphérie de l’orifice
- Présence d’une collerette de suie (les dépôts de suie sont observés pour des
distances inférieures à 30 cm environ)
Lorsque le canon fait un angle avec la surface de la peau de la victime, ces
deux zones sont excentriques, siégeant du côté de canon.
L’aspect d’un orifice d’entrée en rapport avec un tir à distance intermédiaire
est le suivant :
- Présence d’un tatouage de poudre :
- Concentrique si le canon était perpendiculaire à la surface de la peau
- Excentrique en cas d’angulation, avec tatouage siégeant du côté du canon
Le tatouage de poudre correspond à l’ensemble des abrasions punctiformes
secondaires à l’impact sur la peau des grains de poudre (taille millimétrique).
Le tatouage de poudre est à distinguer du pseudo-tatouage occasionné par
l’impact sur la peau de fragments de projectile ou de cibles intermédiaires. Les
marques sont dans ce cas plus larges et plus irrégulières que celles observées
dans le vrai tatouage de poudre.
Il peut s’associer au tatouage de poudre des dépôts de suie (absents au delà de
30 cm environ).
La densité du tatouage de poudre diminue avec la distance de tir. Il s’observe
jusqu’à une distance d’environ 1 m pour les armes de poing.
On parle généralement de tir à distance pour des distances de tir supérieures à
1,5 m.
L’aspect d’un orifice d’entrée en rapport avec un tir à distance est le suivant
:
- Présence d’une collerette érosive (directement liée au passage du projectile,
non à sa chaleur ou à sa rotation) :
- Concentrique
- Excentrique en cas d’angulation, du côté d’où vient le projectile
- Présence d’une collerette d’essuyage grisâtre, mieux visible sur les
vêtements.
L’aspect d’un orifice de sortie est le même quelle que soit la distance de tir
et quel que soit le type de balle.
L’aspect d’un orifice de sortie est le suivant :
- Orifice plus grand et plus irrégulier qu’un orifice d’entrée
- Absence de collerette érosive
- Forme de l’orifice très variable (étoilé, circulaire, en croissant, pouvant
aussi prendre la forme d‘une plaie par arme blanche)
La direction de la balle ayant perforé le crâne peut être déterminée d’après
l’aspect des orifices osseux. Un orifice d’entrée osseux est rond ou ovale, à
bords taillés à l’emporte-pièce au niveau de la table externe et se présente
comme un cône évasé vers l’intérieur sur le versant endocrânien. L’orifice de
sortie osseux présente un aspect à l’emporte-pièce sur le versant endocrânien et
un cône évasé vers l’extérieur sur le versant exocrânien.
Blessures par projectile à plomb d’arme à feu
Les plombs font un effet balle à courte distance puis se dispersent. Ainsi
l’aspect de l’orifice d’entrée se superpose de façon générale à celui observé
avec un projectile à balle dans les cas de tir à bout touchant, portant et
intermédiaire.
L’orifice d’entrée est unique pour une distance de moins de 60 cm. A partir de
90 cm, l’orifice est toujours unique mais présente des berges festonnées,
crénelées en "trou de rat" (aspect de morsures périphériques). Vers 120 cm,
l’orifice d’entrée principal est associé à des orifices satellites,
correspondant à un début de dispersion des plombs. Vers 200 cm, il existe une
couronne d’orifices satellites autour de l’orifice principal. A plus de 10 m, il
ne persiste que de multiples orifices dispersés.
La mesure du diamètre maximum de cette dispersion permet une estimation du
diamètre de la gerbe de plombs lors de son impact et peut aider à la
détermination de la distance de tir. Le diamètre (D) est lié à la distance de
tir (R) selon la formule suivante :
D (cm)/2,5 = R (m)
Cette formule est à appliquer avec prudence et seuls des tirs de comparaison
avec la même arme et le même type de munition permettent d’estimer avec
précision la distance de tir.
4) BrUlures
On distingue les brûlures par agent physique des brûlures par agent chimique.
a) Brûlures par agent physique
Elles regroupent les brûlures thermiques causées par le feu et la chaleur, les
brûlures électriques et les brûlures par radiations ionisantes. Elles sont
souvent accidentelles, rarement suicidaires (immolation par le feu) ou
criminelles (torture, dissimulation secondaire d’un homicide par un incendie).
L’aspect des brûlures thermiques diffère selon la gravité : érythème, phlyctène,
escarre ou carbonisation. La majorité des décès ayant lieu au cours d'un
incendie sont secondaires à l'inhalation de monoxyde de carbone ou d'autres gaz
toxiques comme le cyanure d'hydrogène, et non de brûlures. L'étape de
carbonisation si elle a lieu survient donc le plus souvent après le décès.
Lorsqu’un contact électrique est prolongé ou lorsqu’il s’agit d’un haut voltage,
on peut observer des brûlures étendues et graves. Si la peau est humide, ou si
la zone de contact est très étendue (corps électrocuté immergé), aucune lésion
n’est observée sur les téguments. En règle générale, une marque électrique
focale, discrète peut être identifiée au point d’entrée du courant électrique,
siégeant fréquemment au niveau des mains. Il s’agit le plus souvent d’une lésion
cutanée à type de bulle, mesurant de quelques mm à quelques cm, entourée d’une
couronne de peau très pâle en rapport avec une vasoconstriction locale. Ce type
de brûlure électrique peut aussi présenter un aspect de petite zone déprimée,
parcheminée.
Les brûlures par radiations ionisantes sont très rares. Elles sont très
particulières par leur évolution et leur profondeur. Leur étiologie est toujours
connue : accidents iatrogènes, accidents professionnels.
b) Brûlures par agent chimique
Les brûlures par agents chimiques sont secondaires à l'action de produits
corrosifs (bases, acides). Les traces de brûlures caustiques observées autour de
la bouche sont classiquement brunâtres pour l´ingestion d´acides et blanchâtres
dans le cas de bases. Les bases fortes produisent des effets corrosifs surtout
dans l’œsophage alors que les effets corrosifs des acides forts sont surtout
observés au niveau de la petite courbure de l´estomac.
Les brûlures chimiques n'aboutissent jamais à une carbonisation. Souvent des
aspects de coulures ou une topographie particulière orientent vers cette
étiologie.
5) Fractures
Les fractures sont des solutions de continuité osseuse dont l’aspect peut faire
évoquer le mécanisme et le type de violence : zone de choc et direction du choc
en cas de fracture directe, mécanisme de torsion ou de compression en cas de
fracture indirecte ou complexe.
Les fractures s’accompagnent ou non de lésions associées. Les fractures sont
ouvertes en cas plaies associées.
III) Aspect évocateur des blessures
Certaines des blessures ont des caractéristiques qui, sans être spécifiques,
sont cependant très évocatrices des circonstances de survenue :
- Les blessures liées à des auto-mutilations sont habituellement multiples,
superficielles, évitant les zones très sensibles ou réputées dangereuses telles
que le cou, les poignets, le triangle de Scarpa.
- Les blessures dans un contexte de suicide sont souvent incomplètes,
superficielles, multiples, parallèles, réalisant des coupures d’hésitation.
Elles sont surtout présentes au niveau des extrémités (poignets, avant-bras,
racine des cuisses). Elles sont de siège plus à gauche chez le droitier, dans
des zones accessibles. Elles nécessitent toujours de vérifier leur faisabilité.
- Les blessures dans un contexte d’homicide sont plus franches, plus profondes,
moins nombreuses, pouvant être localisées dans des zones anatomiques
inaccessibles. Elles sont souvent associées à des lésions de défense (ex :
coupures présentes aux mains chez une victime cherchant à se protéger ou à
saisir l’arme de son agresseur). En cas de crime sexuel, les blessures sont
souvent multiples, très délabrantes, pouvant être localisées dans les régions
génitales ou au niveau des seins.
- Les blessures iatrogènes doivent être évoquées en présence de points de piqûre
au niveau des régions latérales du cou (jugulaires), sous-clavière, fémorale. Un
aspect de plaie par arme blanche peut s’observer après la pose d’un drain
thoracique. Des fractures costales étagées peuvent être constatées après des
manœuvres de massage cardiaque externe vigoureux. Un trou de trépan crânien est
observé en cas d’évacuation d’un hématome ou prise de pression intracrânienne.
- Les blessures postmortem peuvent être constatées dans de nombreuses
circonstances : dépeçage criminel afin d’empêcher l’identification de la
victime, acharnement post mortem en cas de crime passionnel ou sexuel,
nécrophilie, action d’animaux carnassiers (chien, chat, rat …). Elles ont pour
caractéristiques l’absence d’hémorragie et d’ecchymose périphérique.
IV) Datation des blessures
Le diagnostic du caractère vital ou post mortem d'une blessure et la
détermination de la chronologie des blessures est un problème courant en
médecine légale, d'une grande difficulté, souvent non résolu.
La présence d'une réaction inflammatoire témoigne du caractère vital d'une
blessure. Le degré d'inflammation présent est fonction du temps écoulé depuis le
moment où la blessure a été infligée, permettant d'évaluer approximativement son
ancienneté. Il existe cependant une période d'incertitude péri mortem liée au
phénomène de supra vitalité : Les tissus conservent leurs fonctions vitales
après la mort durant un certain temps, fonction de leur capacité à résister à
l'anoxie.
La datation des blessures chez le mort peut être précisée par des techniques
biochimiques et anatomo-pathologiques. Leur intérêt est surtout comparatif. Ces
techniques nécessitent impérativement des contrôles internes (prélèvements de
peau non lésée du même individu dans la région anatomique où siège la blessure).
Seuls les résultats positifs ont une valeur et sont interprétables de façon
fiable.
La mise en évidence histologique d’une réaction inflammatoire témoigne du
caractère vital de la blessure. La présence de polynucléaires neutrophiles en
dehors de la zone de saignement est l’élément cellulaire le plus précoce,
survenant dans un délai d’au moins 20 à 30 minutes (en moyenne 30-120 minutes).
Une infiltration macrophagique importante traduit généralement une blessure âgée
d’au moins 1-2 jours. Les macrophages prédominent sur les polynucléaires après
une période d’au moins 12-24 heures. Un tissu de granulation apparaît entre un
et trois jours. De nombreux marqueurs immunohistochimiques sont exploitables
afin d'estimer l'âge d'une blessure. L'estimation est plus précise si plusieurs
marqueurs sont recherchés conjointement. L'immunohistochimie exige un délai post
mortem court (bruit de fond en cas d'autolyse avancée) et la réalisation de
contrôles négatifs et de contrôles internes. Les zones hémorragiques, les zones
de destruction du tissu conjonctif de la blessure et les limites de résection du
prélèvement sont des sources de faux positif. La détection de collagènes de type
I, III, V et VI et de composants de la membrane basale épidermique permet
d'estimer l'âge de la blessure pour des blessures récemment infligées, de
l'ordre de quelques jours.
L’analyse morphologique est utilement complétée par la biochimie. Il existe une
augmentation des taux d'histamine, de sérotonine, de cathepsine D dans les
blessures vitales.
La cathepsine D, protéinase acide contenue dans les lysosomes des polynucléaires
neutrophiles, est un bon marqueur vital des blessures (ainsi que l’histamine
produite par les mastocytes et la sérotonine) en l´absence de putréfaction.
La datation des blessures chez le vivant est limitée sauf exception (exérèse
chirurgicale) à l’observation macroscopique. L’âge des plaies est évalué
approximativement par le degré apparent de cicatrisation. L’âge des ecchymoses
est basé sur le changement de leur couleur en fonction du temps écoulé depuis
l’instant où elles ont été produites. Les différents produits de dégradation de
l’hémoglobine sont à l’origine de la variation colorimétrique des ecchymoses.
L´hémoglobine est dégradée en biliverdine, elle-même réduite en bilirubine par
une enzyme, la biliverdine réductase cytosolique. Il existe une grande
variabilité inter et intra-individuelle de la couleur des ecchymoses en fonction
du temps, rendant impossible une estimation précise de leur ancienneté. De
nombreux facteurs interviennent en effet parmi lesquels le siège, l’étendue, la
profondeur et le nombre des ecchymoses, ainsi que l’âge de la victime et
l’existence éventuelle de troubles de la coagulation. Une ecchymose
superficielle peut apparaître instantanément alors qu’une ecchymose profonde
apparaît de façon retardée dans un délai de 24 à 48 heures. Les ecchymoses sont
de coloration rougeâtre après leur constitution, puis prennent des teintes
violacées puis deviennent verdâtres au bout de 4 à 7 jours et jaunâtres à partir
du septième jour. La couleur jaune qui représente le changement le plus
significatif en fonction du temps peut apparaître beaucoup plus tôt, mais au
delà toutefois de 18 heures. Les ecchymoses disparaissent environ au bout de
deux à trois semaines, par résorption à partir de la périphérie.
V) Complications médicales des blessures
1) Les infections
Les infections sont la complication la plus fréquente des traumatismes. Leur
risque est augmenté en cas de mesures invasives pratiquées lors de la prise en
charge médicale (réanimation++). Les pneumonies peuvent engager le pronostic
vital. Les facteurs prédisposant à une pneumonie post-traumatique sont un
immobilité, une atélectasie, une ventilation mécanique, une inhalation ou un
sepsis.
2) Coagulation intravasculaire disséminée
Cette coagulopathie de consommation est une complication classique des graves
traumatismes crâniens. Le cerveau a des concentrations élevées en
thromboplastine tissulaire, qui est relarguée lors d’un traumatisme crânien et
va initier des phénomènes de coagulation et la consommation des facteurs de
coagulation, responsables d’hémorragies.
3) Syndrome de détresse respiratoire aigue
Non spécifique, il peut être secondaire à un traumatisme. Un sepsis est un des
facteurs de prédisposition les plus courants. Il résulte d’une atteinte de la
barrière alvéolo-capillaire avec augmentation anormale de la perméabilité
microvasculaire.
4) Thromboses veineuses profondes
Elles peuvent être compliquées d’embolie pulmonaire mortelle.
5) Embolie graisseuse
Une embolie graisseuse doit être suspecté chez un patient traumatisé devant
l’apparition de symptômes associant tachypnée, dyspnée, confusion. Des pétéchies
peuvent aussi être visibles au niveau du tronc et des conjonctives. Ces
symptômes peuvent apparaître quelques heures à quelques jours après la survenue
du traumatisme.
L’embolie graisseuse est une complication classique des fractures du bassin et
des os longs.
Sur le plan histologique, les gouttelettes lipidiques optiquement vides
intravasculaires peut être mise en évidence sur des tissus de poumon et de
cerveau en congélation par la coloration de l’huile rouge soit par l’acide
osmique sur tissu fixé.
6) Ulcères de stress
Des ulcères gastriques ou duodénaux peuvent s’observer dans les grands états de
choc post-traumatiques.
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