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Médecine légale

 

Odontologie médico-légale

 

Docteur Tillota et Brousseau

 

 

Les potentialités de l’odontologie médico-légale illustrées par quatre exemples par Jean-Claude Tavernier
Maître de conférences des Universités, Laboratoire d’odontologie légale, université de Paris V
Cinq thèmes seront abordés dans cet article qui ne présente qu’une modeste part des possibilités qu’apporte l’odontologie à l’identification:

 

 

• le rôle général du chirurgien dentiste dans les différentes stratégies conduisant à l’identification;
• l’étude de l’action du feu sur les structures dentocranio-faciales;
• la proposition d’une technique d’autopsie oro-faciale;
• la présentation d’une méthode multifactorielle simple de détermination de l’âge au décès de cadavres adultes;
• l’hématodontie post mortem.

 

 

Le rôle du chirurgien dentiste dans l’identification

 

L’importance du système bucco-dentaire n’est plus à démontrer depuis la parution de L’art dentaire en médecine légale d’Oscar Amoédo en 1898.
La résistance des dents aux agents de destruction que sont la putréfaction et la carbonisation est très grande.
La dent résiste jusqu’à 8000C et ne fond qu’à 12000C. L’os résiste à 5000C et l’architecture osseuse complexe de la face et du crâne résiste particulièrement bien aux chocs.
Dans l’examen que mène l’odontologiste, deux types d’identification sont à envisager: l’identification comparative et l’identification reconstructive.
 

Identification comparative


Elle permet l’identification positive d’un individu par comparaison de tout ou partie de son corps avec des renseignements précis amassés antérieurement. Cette identification nécessite une présomption quant à l’identité de la victime et l’existence de documents recueillis ante mortern.
Parmi les méthodes employées se situent:
                                                                    - la fiche dentaire et la carte d’identité dentaire;
                                                                    - les radiographies quel que soit le type;
                                                                    - les moulages dentaires;
                                                                    - le marquage des prothèses;
                                                                    - les photographies;
                                                                    - les empreintes rugoscopiques;
                                                                    - les empreintes chéiloscopiques.

 

La fiche dentaire ou odontogramme peut revêtir plusieurs formes mais elle est parfois incomplète et le plus souvent utilisée dans un but de suivi clinique.
Les radiographies peuvent être de quelque utilité  condition que les incidences soient identiques ante et post mortem. L’emploi actuel de techniques d’imagerie médicale favorise la comparaison de ces états ante et pan’mortem.
Les moulages dentaires sont de réalisation difficile et d’archivage malaisé; ils sont peu utilisés. Ils trouvent cependant une importance primordiale dans l’étude des morsures. Dans ce cas en effet, le modèle positif en plâtre est comparé non pas avec un éventuel modèle précédent ayant subi différentes modifications, mais avec
l’empreinte des morsures étudiées.
Le marquage des prothèses est limité du fait même de la nécessité de porter de telles prothèses. mais également par les difficultés éthiques que soulève un marquage quel qu’il soit. Un système de code induirait de plus une centralisation de toutes les données. La mise en place d’un cube d’alumine marqué sous un amalgame de la
première molaire pallierait partiellement ces difficultés.
Les photographies sont de comparaison difficile et devraient tendre à ressembler aux photographies anthropométriques que Bertillon imposa il y a un siècle.
Les empreintes rugoscopiques et chéiloscopiques sont difficilement utilisables.
Grâce à tous ces documents. peuvent être étudiés et comparés:
 

                                                                    - la forme générale des arcades et leur taille;
                                                                    - le nombre des dents et leur variété;
                                                                    - la forme et la taille des dents;
                                                                    - les anomalies anatomiques;
                                                                    - la position respective de chaque dent;
                                                                    - les particularités professionnelles~ pathologiques et culturelles
                                                                    - la forme et le relief du palais;
                                                                    - les thérapeutiques dentaires et prothétiques.
 

En conclusion nous pouvons facilement entrevoir qu’il ne puisse exister deux bouches rigoureusement identiques et qu’il est important pour l’identificateur odontologiste de découvrir des caractères communs et une absence de caractères d’élimination pour établir une relation qualitative valable.
 

Identification reconstructive


Ce deuxième aspect de l’identification, qui a plus particulièrement retenu notre attention depuis plusieurs années, a pour but de rassembler, sur la base de pièces anatomiques, le plus de renseignements possibles et de déterminer avec le plus de précisions possibles: l’âge, le sexe, l’origine ethnique, la profession et les habitudes du sujet.


Détermination de l’âge
Plusieurs caractères varient avec le vieillissement de l’organe dentaire et permettent une estimation de l’âge.
Nous n’évoquerons pas les techniques destinées à estimer l’âge des enfants pour ne citer que celles s’adressant aux adultes. Parmi elles, la primauté, sinon chronologique mais du moins d’usage, revient à la technique de Gustafson qui relevait et notait six critères de vieillissement de la dent; d’autres méthodes, plus simples, dérivant de celle de Gustafson, furent proposées, particulièrement par Emery et Lamendin.
En absence d’organes dentaires, l’étude des fermetures des sutures crâniennes peut être envisagée. éléments sur le terrain et d’analyse en laboratoire sont deux étapes indissociables.
Sur le terrain, le rôle de l’odontologiste est particulièrement important, surtout s’il s’agit d’identifier des corps plus ou moins mutilés ou carbonisés.
Seul un odonto-stomatologiste qualifié peut procéder à la collection minutieuse des débris et fragments dispersés sur le terrain.


Après le repérage métrique, les photographies et la collecte des indices, les examens posr mortem sont effectués:
 

                                                                    - l’autopsie buccale;
                                                                    - la recherche de structures manquantes;
                                                                    - le nettoyage;
                                                                    - la reconstitution des maxillaires fragmentés;
                                                                    - l’examen des maxillaires;
                                                                    - la détermination de l’âge, du sexe, de l’origine ethnique;
                                                                    - les examens histopathologiques;
                                                                    - le rapport final post mortem.


Parmi toutes les causes de destructions possibles du massif cranio-facial, notre attention a été retenue par les effets de la carbonisation du fait même de sa fréquence et de la singulière résistance qu’opposait la structure anatomique de la tête aux agents thermiques de destruction.
Nous avons donc étudié les modifications morphologiques des structures cranio-faciales puis plus précisément les variations des structures dentaires et palatines au cours de crémations expérimentales que nous avons effectuées en laboratoire.


Détermination du sexe
Elle peut s’effectuer par l’étude de différents critères dentaires ou osseux comme:
 

                                                                    - l’indice incisif;
                                                                    - les paramètres osseux de Pennaforte;
                                                                    - les mesures des racines des canines supérieures;
                                                                    - le volume de la mandibule;
                                                                    - la forme du palais.


Ces différentes techniques sont peu fiables isolément et nécessitent une étude multifactorielle.
 

Détermination de l’origine ethnique
Elle peut se fonder sur des mesures anthropométriques cranio-faciales et dentaires. Les résultats sont à envisager avec circonspection.
 

Détermination de la profession ou des habitudes
Une étude minutieuse des dents, des gencives, des dépôts tartriques et tabagiques, une analyse par microsonde des matériaux de restauration dentaire ou prothétique peut permettre la détermination d’une profession ou de certaines habitudes.
Que ce soit aux fins d’identification comparative ou d’identification reconstructive, le travail de collecte des éléments sur le terrain et d’analyse en laboratoire sont deux étapes indissociables.
Sur le terrain, le rôle de l’odontologiste est particulièrement important, surtout s’il s’agit d’identifier des corps plus ou moins mutilés ou carbonisés.
Seul un odonto-stomatologiste qualifié peut procéder à la collection minutieuse des débris et fragments dispersés sur le terrain.
Après le repérage métrique, les photographies et la collecte des indices, les examens post mortem sont effectués:


                                                                    - l’autopsie buccale;
                                                                    - la recherche de structures manquantes;
                                                                    - le nettoyage;
                                                                    - la reconstitution des maxillaires fragmentés;
                                                                    - l’examen des maxillaires;
                                                                    - la détermination de l’âge, du sexe, de l’origine ethnique;
                                                                    - les examens histopathologiques;
                                                                    - le rapport final post mortem.


Parmi toutes les causes de destructions possibles du massif cranio-facial, notre attention a été retenue par les effets de la carbonisation du fait même de sa fréquence et de la singulière résistance qu’opposait la structure anatomique de la tête aux agents thermiques de destruction.
Nous avons donc étudié les modifications morphologiques des structures cranio-faciales puis plus précisément les variations des structures dentaires et palatines au cours de crémations expérimentales que nous avons effectuées en laboratoire.

 

Etude de l’action du feu sur les structures dento-cranio-faciales


Le feu est un dégagement simultané de chaleur et de lumière produit par la combustion de certains corps.
La combustion est le phénomène chimique qui se produit entre un comburant et un combustible.
La crémation est la destruction d’un corps par le feu.
La carbonisation est sa transformation en charbon.
L’incinération est sa transformation en cendres.
L’incendie se caractérise par l’impossibilité de limiter un feu dans l’espace et dans le temps.

 


Les origines des feux sont nombreuses:
                                                                    - thermique;
                                                                    - mécanique (frottement);
                                                                    - électrique (court-circuit);
                                                                    - physique (optique);
                                                                    - chimique (réaction exothermique);
                                                                    - biologique (fermentation des fourrages);
                                                                    - naturelle (foudre);
                                                                    - volontaire (bombes et toutes les armes à feu).


Dans cette étude effectuée sous la direction du Médecin général Noto, le modèle de feu que nous avons retenu a été le feu domestique urbain, et particulièrement parisien.
Dans ce type d’incendie, les températures s’échelonnent de 1000C à 5000C et le temps d’intervention des pompiers est de 15 minutes environ.
Les carbonisations expérimentales ont été effectuées soit dans un four électrique de grande capacité, soit dans un four de grand volume alimenté au propane.
Une expérimentation annexe, animale, sur la mobilité dentaire posr mortem a été effectuée dans un four électrique de volume moindre.


Plusieurs types de structures ont été étudiées:
                                                                   

                                                                    - les structures musculo-tégumentaires cranio-faciales;
                                                                    - les structures osseuses faciales et crâniennes;
                                                                    - les structures dentaires;
                                                                    - les structures osseuses du palais;
                                                                    - les structures fibromuqueuses palatines représentées par les rugae palati.
 

Les modifications morphologiques et volumétriques des tissus mous de recouvrement ont été étudiées par simple observation des pièces avant et après crémation.
Les modifications du relief de la voûte palatine et des crêtes ont été étudiées par la technique stéréoscopique et stéréophotogrammétrique qui nécessite une prise de vue avec une chambre translatée.
En stéréophotogrammétrie, la reconstitution par restituteur analogique permet l’observation d’un tracé en courbes de niveau de la pièce étudiée.
Les variations des reliefs des rugae ont répondu aux mêmes études stéréophotogrammétriques, mais les stéréogrammes ont été effectués sur les modèles en plâtre issus d’empreintes des pièces réalisées avant et après crémation.
Les structures osseuses ont nécessité l’emploi de deux techniques associées, la tomodensitométrie et la reconstitution volumétrique.
La tomodensitométrie a permis la prise de clichés de l’ensemble des structures osseuses palatines et circumvoisines.
La reconstitution volumétrique s’est effectuée par empilement de lames de plastique après découpe. Ce procédé consiste à reproduire sur un support transparent les contours des structures à étudier puis à faire enregistrer ces tracés par une machine outil couplée à un ordinateur. C’est elle qui découpe les lames de matière plastique dont l’épaisseur est égale à celle des coupes tomodensitométriques.
L’étude de chacune de ces techniques a permis de dégager certaines tendances relatives aux modifications des différentes structures histologiques.
A l’examen anatomique nous n’observons aucune modification des tissus mous profonds~ mais une très forte rétraction des tissus superficiels.
La fibromuqueuse palatine protégée ne voit pas son aspect modifié mais la rétraction antéropostérieure est considérable en cas d’atteinte directe par le feu.
L’étude stéréoscopique et stéréophotogrammétrique nous permet d’observer une rétraction faible des tissus profonds et une forte rétraction des tissus mous superficiels.
Si nous n’observons pas de modification de la forme des arcades alvéolaires, nous observons un faible approfondissement de la voûte palatine, son élargissement sommital et son cintrage.
La fibromuqueuse palatine non protégée est soumise à une très forte rétraction antéropostérieure.
Pour l’étude des reliefs palatins nous avons associé deux autres techniques proches, la stéréoscopie grossissante et la pseudostéréoscopie qui nous permettent de localiser exactement les sites de modifications topographiques.
Nous pouvons déduire de ces études que les reliefs non protégés conservent leur nombre de rugae sous forme d’un simple plissé, le rugosus, qui est composé de lignes parallèles entre elles et perpendiculaires au plan sagittal médian.
Les reliefs protégés présentent de faibles variations volumétriques mais de fortes variations morphologiques puisque les rugae se placent par rotation dans une position plus perpendiculaire au plan sagittal médian
La tomodensitométrie nous conforte dans nos conclusions de très grande fixité des structures osseuses et de très forte rétraction des tissus mous de recouvrement et des fibromuqueuses non protégées.
 

Nous pouvons ainsi résumer ces résultats:
                                                                    - une très grande rétraction des tissus mous superficiels;
                                                                    - une forte rétraction et un décollement de toutes les muqueuses sinusiennes:
                                                                    - une forte rétraction antéropostérieure des fibromuqueuses palatines non protégées;
                                                                    - une rétraction des paquets vasculo-nerveux;
                                                                    - pas de modification de la flèche palatine;
                                                                    - un cintrage de la voûte;
                                                                    - une densification des corticales;
                                                                    - un élargissement des aréoles de l’os spongieux.


Nous pouvons conclure que les reliefs palatins, les rugae palati, qui étaient jusqu’alors considérés comme immuables et dont le relevé était transcrit sur les rugogrammes pour servir d’élément de comparaison dans l’identification comparative, étaient en cas de crémation des critères de faible valeur pour établir une identification.
L’étude des organes dentaires lors de la crémation a été menée sur modèle ostéodentaire animal et sur modèle dentaire humain.
Une première approche consistait en l’étude de la variation colorimétrique des tissus dentaires soumis à l’effet thermique.
Notre étude s’est révélée être concordante avec des études antérieures.
Il était de tradition d’affirmer que les dents des individus morts avant d’être carbonisés étaient plus solidement implantées dans les alvéoles. Pour vérifier cette affirmation nous avons soumis des radiographies de mandibules de rats, portées à différentes températures, à une analyse microdensitométrique.
Nous avons pour cela réalisé des contretypes des clichés radiographiques que nous avons analysés au microdensitomètre de Joyce Loebl.
Il résulte de cette étude qu’après une légère augmentation de la densité de l’ensemble des tissus ostéo-dentaires vers 1000C, nous observons une diminution régulière de cette densité pour tous les tissus sauf pour le complexe desmodontal dont la densité augmente jusqu’à la température de 4000C.
Cette augmentation de la densité de cette vacuité anatomique qu’est le desmodonte explique la plus grande fixité de la dent dans son alvéole après crémation.

 

Autopsie oro-faciale


Elle permet un prélèvement des pièces anatomiques que sont le bloc maxillaire et la mandibule.
Ces pièces sont conservées et permettront l’étude comparative et les examens d’identification reconstructive.
Actuellement la technique employée le plus généralement est celle de Keiser Nielsen. Ses inconvénients nous ont conduit à proposer une technique différente qui a le double avantage de conserver intactes les pièces, d’en permettre l’étude anthropométrique et de restituer au sujet l’aspect général des traits du visage.
Dans la technique de Keiser Nielsen, une incision en fer à cheval est pratiquée 2 à 3 cm sous la base mandibulaire,
d’un angle mandibulaire à l’autre, une deuxième incision est pratiquée sous la surface tissulaire en longeant la surface osseuse externe du corps mandibulaire, jusqu’à la base du vestibule inférieur.
En arrière est sectionnée l’attache du muscle masséter.
Le lambeau de tissu que constituent le menton et la partie inférieure des joues est récliné vers le haut en un seul mouvement de rotation, sur la face, à un niveau longeant le haut du vestibule supérieur, ce qui expose complètement l’arcade en vue vestibulaire.
La langue est retirée en pratiquant une incision le long de la face interne du corps mandibulaire.
Une incision le long du vestibule supérieur permet d’élever le lambeau facial vers le rebord orbitaire inférieur ce qui découvre l’épine nasale et l’ouverture piriforme.
Si la mandibule ne se désarticule pas par simple traction manuelle, les deux branches sont sectionnées horizontalement à l’aide d’une scie à os à un niveau légèrement supérieur aux faces occlusales des molaires inférieures, les condyles sont laissés en place.
Le maxillaire est sorti d’un seul bloc en un temps opératoire à l’aide d’une scie à os en pratiquant une section horizontale au-dessus de l’épine nasale et des apex des canines. Parvenu à la partie postérieure il faut ménager les apex des troisièmes molaires.
 

Intérêts de cette méthode:
                                                                    - sa simplicité;
                                                                    - l’absence de connaissances anatomiques importantes nécessaires;
                                                                    - sa rapidité;
                                                                    - le peu de besoin technique;
                                                                    - la préservation des arcades dentaires.


Inconvénient:

 

                                                                    - aucune possibilité de mesures anthropologiques sur des pièces ainsi prélevées.


Pour cette raison nous avons élaboré, avec le laboratoire d’anatomie de l’université René Descartes Paris V (J-F.Gaudy), une technique qui permet la désarticulation de la mandibule et celle du bloc maxillaire.
L’abord chirurgical est effectué par une incision allant de l’os hyoïde vers la mastoïde. en déplaçant le bistouri de l’os hyoïde en direction du pavillon de l’oreille.
Les plans cutanés sont proprement décollés.
Les plans musculaires sont sectionnés, le bistouri tenu verticalement sectionne dans la masse les muscles de la houppe du menton, le triangulaire des lèvres, le carré du menton puis latéralement le buccinateur et le masséter en direction des articulations temporo-mandibulaires.
Par section en dedans de la mandibule sont désinsérés le muscle mylohyoïdîen et partiellement le ptérygoïdien médial. L’isolement de la mandibule est réalisé par la section des ventres antérieurs du digastrique, des génioglosses et géniohyoïdiens.
En tenant horizontalement le manche du bistouri et selon un mouvement de bas en haut le long des faces externes des branches mandibulaires, il est possible de séparer les dernières attaches du complexe temporomasséterin.
Dans un dernier stade, la mandibule est maintenue abaissée d’une main, en avant du pavillon de l’oreille la muqueuse est sectionnée, la capsule articulaire est ouverte et les attaches sectionnées également.
Sont également sectionnées les insertions du temporal sur l’apophyse coronoide et les insertions du ptérygoïdien latéral sur la face interne de la branche montante.
La mandibule est prélevée.
Ce prélèvement est complété par celui des maxillaires réalisé par disjonction à la fraise des branches montantes et des apophyses pyramidales en respectant l’intégralité du bloc maxillaire.


Avantages de cette méthode:
                                                                    - sa simplicité;
                                                                    - le respect de la mandibule permettant une étude anthropologique.


Inconvénient:

                                                                    - cette méthode ne permet pas encore d’effectuer une étude anthropologique importante.


Pour pallier cette difficulté nous avons mis au point une technique beaucoup plus conservatrice.
Le tracé d’incision matérialisé au crayon feutre est bilatéral, il débute dans la région antérieure médiane du cou en dessous de l’os hyoïde puis longe le bord externe du sternocléidomastoidien, postérieurement il se prolonge en englobant le pavillon de l’oreille pour se perdre dans le cuir chevelu.
L’incision suit ce tracé, elle se fait de proche en proche de manière à décoller le pourtour cutané du lambeau en entraînant avec lui les tissus adipeux et musculaires pour obtenir une épaisseur de lambeau maximum évitant ainsi toute déchirure.
Le lambeau cutanéomuqueux est récliné avec précaution vers le haut.
La mandibule est désolidarisée de la masse linguale et de ses muscles environnants, ptérygoïdien, masséter, temporal.
Cette section est le plus proche possible de la mandibule.
Pour la section de la masse linguale, le bistouri suit le contour interne du corps de la mandibule d’avant en arrière.
La désarticulation de l’articulation est réalisée par l’incision du compartiment supérieur et la section des attaches temporales, jusqu’à la libération de la mandibule.
La mandibule est alors séparée.
La dissection du bloc maxillaire a pour principal objectif de conserver l’intégrité du massif, les traits de section suivent donc les zones de sutures et les fentes naturelles.
Le tracé débute au niveau des os propres du nez en dessous de la suture fronto-nasale puis se poursuit latéralement par section de la branche maxillaire jusqu’au canal lacrymo-nasal.
Au niveau antérieur, la section emprunte la fente intraorbitaire et se termine dans la région de la suture malaire au détriment de l’os malaire.
Cette ligne de section est matérialisée à la fraise boule
Au niveau postérieur, la désolidarisation de la zone palatomaxillaire est réalisée au ciseau frappé.
Toutes les perforations effectuées à la fraise boule sont réunies à la fraise fissure, la désolidarisation est effectuée grâce à l’emploi de pinces de Rowe introduites dans les fosses nasales.
Le bloc maxillaire est ainsi isolé.
Après cette dissection le lambeau est replacé après avoir comblé les vides par des blocs de substitution.
 

Intérêts de cette technique:
                                                                    - la conservation de la mandibule dans son intégralité;
                                                                    - la conservation du bloc maxillaire complet;
                                                                    - la possibilité de redonner une morphologie faciale après dissection.


Nous ne voyons aucun inconvénient à la mise en oeuvre de cette technique.
 


La détermination de l’âge au décès


Une des principales questions que l’on peut se poser devant un cadavre inconnu est celle de la détermination de l’âge qu’avait l’individu lors de son décès.
Depuis fort longtemps, la dent a fourni des éléments à la détermination de l’âge et Gustafson mit au point une technique fiable qui repose sur l’addition d’un certain nombre de points de O à 3 attribués à six critères qui sont:


                                                                    - l’usure coronaire;
                                                                    - l’apposition de cément;
                                                                    - la résorption radiculaire;
                                                                    - la translucidité radiculaire;
                                                                    - la hauteur de parodontose;
                                                                    - l’apposition de dentine.


La somme Y de ces points permet d’obtenir un indice en rapport avec l’âge des individus selon la formule: Age = 11,43 + 4,56 Y
La difficulté principale de cette technique est que l’estimation s’effectue sur des lames de dent de I mm puis de 0,25 mm d’épaisseur.
Outre la difficulté technique de réalisation de telles lames minces, la pièce est détruite voire inexploitable en cas de fracture de cette lame mince. La méthode de surface polie d’Emery pallie cet inconvénient.
Pour éviter la destruction des pièces, nous avons participé à la mise au point d’une méthode d’évaluation de l’âge par deux critères dentaires dont la conception revient à Lamendin.
Cette étude s’effectue sur des dents monoradiculées incisives et canines sans préparation. Les prémolaires sont écartées.
Après une étude préalable sur plusieurs critères nous avons retenu la parodontose P mesurée au compas à pointes sèches de la jonction amélo-dentinaire à la limite coronaire de l’attache gingivale ou à la limite apicale des dépôts.
Nous avons également relevé la translucidité radiculaire mesurée au compas à pointes sèches de I’apex de la dent à la limite coronaire de la translucidité.
La valeur de ces deux critères. parodontose et translucidité est ramenée à la longueur de la racine L.
Notre étude a porté sur 276 dents provenant de 191 individus d’âges connus. Nous avons effectué sur ces dents quelques 3200 mesures.
Les premiers résultats obtenus ont d’abord donné des écarts plus ou moins importants, ce qui soulignait le caractère individuel de telles mesures.
Après l’intégration de ces mesures et l’étude de nouvelles séries, les résultats se sont améliorés et une équation a pu être établie:


Age = 0,18P + 0,42T + 25,53


P est le rapport de la hauteur de la parodontose sur la longueur de la racine.
T est le rapport de la hauteur de translucidité sur la longueur de la racine.
La constante 25,53 indique que l’âge estimé ne peut être inférieur à cette limite ce qui rejoint les constatations cliniques.

 


Humbert a déterminé l’erreur moyenne entre âges réels et âges estimés. Elle est de 6,3 ans pour la classe 40-49 ans et de 3,3 ans pour la classe 50-59 ans.
La simplicité et la fiabilité de la méthode à deux critères de Lamendin et collaborateurs ont été démontrées et son utilisation s’étend aux dents provenant de sujets âgés de 40 à 79 ans.
Cette méthode s’est révélée être parfaitement complémentaire de la technique osseuse de Suchey Brook qui est efficace pour les individus de moins de 40 ans.
Nous avons donc proposé une stratégie en deux étapes. Dans un premier temps l’os du pubis est étudié et, si l’estimation correspond à une tranche d’âge inférieur à40 ans, c’est la méthode de Suchey Brook qui est utilisée.
Si l’âge estimé est supérieur à 40 ans, il est fait appel ànotre méthode dentaire.
Les observations commencèrent en 1953 à la suite du meurtre par Christie de trois personnes qu’il avait asphyxiées puis étranglées. La suite de l’enquête mit à jour le corps de sa femme et deux autres squelettes qui étaient enterrés dans le jardin.
Les dents étaient devenues roses après un séjour en terre. Quelle était la cause de cette modification de teinte: l’asphyxie, la strangulation ou le séjour sous terre?
 

Miles et Fearnhead établirent sur ces cas que la coloration était due à une exsudation de dérivés de l’hémoglobine à travers les tissus de la dentine.
Gustafson mentionne en 1966 que la coloration serait due à l’environnement humide et que son intensité varierait selon le temps écoulé depuis la mort. Il indiquait également que la putréfaction et la formation d’adipocires étaient une condition nécessaire à l’apparition d’une telle coloration.
Whitteker signale que l’augmentation de pression veineuse dans les dents de rat permettrait l’extravasation des érythrocytes, ce qui serait un facteur favorisant du rosissement.
Beeley et Harvey, par des études spectrales et isoélectriques, démontrèrent la présence de dérivés de l’hémoglobine et de monoxyde de carbone. L’hypothèse qu’ils proposent d’une coloration due à un complexe hème/monoxyde de carbone semble mise en doute actuellement par certains auteurs.
Kirkham effectua des études spectrophotométriques sur de la pulpe hémolysée, du sang hémolysé et de la dentine colorée. Un pic d’absorption identique met en évidence le rôle de l’hémolyse dans le rosissement des dents.
Une autre étude sur des dents de chien mit en évidence l’importance de l’environnement humide sur l’apparition du rosissement dentaire.
En 1987. Broudum et Simonsens publient une étude portant sur 119 cadavres qui met également en évidence le rôle de l’environnement humide.
 


Le phénomène d’hématodontie post mortem


Un phénomène curieux apparaît dans certains cas sur des dents de cadavres; il s’agit d’une teinte rose allant du rose clair au rouge foncé tirant au violet lie de vin.
Bell, en 1829, avait déjà noté un tel phénomène qui ne se produisait que dans la dentine et jamais dans l’émail ou le cément. Seule la racine paraissait donc colorée.
Cet auteur ayant retrouvé ces dents sur des cadavres de noyés ou de pendus, on conclut que ces deux causes, strangulation et noyade, étaient à l’origine du rosissement des dents.
Une étude bibliographique nous permet cependant d’apporter quelques précisions.


De l’étude des conclusions des différents auteurs, nous pouvons faire saillir quelques points:
 

 
  • Le rosissement des dents est un phénomène non spécifique.

  • La coloration des dents se rencontre sur les corps ayant séjourné dans un milieu humide voire aqueux.

  • Le rosissement se constate au cours du phénomène de putréfaction en milieu humide ou celui de formation d’adipocires.

  • Une atmosphère riche en C02 maintient la coloration rose.

  • Le phénomène de rosissement n’intervient que quelques jours après la mort.

  • Un phénomène différent, simple effet d’optique peut être visible dans les premières 24 heures.

  • Une réaction d’hémolyse est nécessaire.

  • La coloration des dents est due au passage d’hémoglobine ou de dérivés de l’hémoglobine à travers la dentine circumpulpaire.

  • Le phénomène de fibrinolyse ou celui de fibrinogénolyse est nécessaire.

Des expérimentations actuellement en cours au Laboratoire d’odontologie légale de l’université de Paris V et à celui de l’Institut médico-légal de Paris (Pr. Leconte) tentent de préciser la dynamique du rosissement en fonction de différents facteurs comme le temps d’hémolyse, la température, les pathologies, la position de la tête
ou la présence de tissus de soutien.
Nous pensons que l’odontologie dans sa composante légale est indispensable à l’identification, particulièrement dans ses limites extrêmes lorsque les autres approches médicales ont échoué.
Nous possédons par les structures ostéo-dentaires cranio-faciales un véritable réservoir de données essentielles que nous pouvons conserver et archiver.
Mais la richesse même de cet avoir anatomique nécessite la présence d’un odonto-stomatologiste possédant les compétences requises, que ce soit sur le terrain pour la collection des indices ou au laboratoire pour y mener les analyses.