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Thanatologie médico-légale

La réquisition, l’expertise

 

 

 

Introduction - Généralités

 

La médecine légale a longtemps été assimilée à la médecine des morts ; cette image réductrice est encore souvent renvoyée par les médias ou les ouvrages de fiction. Les champs d’application de cette discipline se sont pourtant diversifiés de façon considérable au cours des cinquante dernières années, si bien que la médecine légale se doit aujourd’hui d’être définie comme « la médecine de toutes les situations de violence, que celles-ci concernent le mort ou le vivant ».

 

Les trois grands champs d’activité de la médecine légale sont :

 

- la médecine légale thanatologique : centrée sur le cadavre, elle regroupe les levées de corps et autopsies médico-légales ; ces actes techniques sont toujours réalisés à la demande d’un magistrat, dans le cadre d’une réquisition ou d’une ordonnance de commission d’expert (cf. infra) ;

 

- la médecine légale clinique : volontiers assimilée à la victimologie, elle s’intéresse aux situations de violence concernant le sujet vivant (coups et blessures, violences sexuelles, maltraitances à enfant…) et se positionne

également par rapport aux répercussions psychologiques, judiciaires, éthiques et sociales de ces situations de crise : pratiqués au sein d’unités médico-judiciaires hospitalières (actuellement présentes dans la plupart des CHU), ces examens de victimes vivantes peuvent se faire dans un cadre judiciaire (réquisition, expertise) ou extrajudiciaire (à la demande des intéressés). D’autres types d’activités rentrent également dans le cadre de la médecine légale clinique,

notamment examens de personnes privées de liberté (détermination de l’âge osseux, recherche de contre-indications médicales au maintien en garde à vue ou en détention, examen de sujets pouvant avoir été victime de violences

policières…)

 

- la médecine légale scientifique (= criminalistique) : ce volet d’activité regroupe un vaste champ d’investigations complémentaires pratiquées en laboratoire, s’adressant aux morts comme aux vivants et incluant (liste non exhaustive) : toxicologie, anatomopathologie, biologie moléculaire (avec en particulier les techniques d’identification génétique), odontologie, anthropologie médico-légale, entomologie, balistique… Ces investigations se déroulent soit dans des laboratoires universitaires de médecine légale, soit dans des laboratoires de la police scientifique ; loin de constituer un champ d’activité figé, elles se nourrissent en permanence des avancées de la recherche fondamentale et ont connu au cours des dernières décennies un développement sans précédent.

 

 

Problématiques de la thanatologie médico-légale

 

Le champ d’activité de la thanatologie médico-légale regroupe :

 

- les examens externes de cadavre (le terme de levée de corps ne doit en principe être utilisé que lorsque ces examens ont lieu in situ, c’est-à-dire sur les lieux de découverte du cadavre) ;

- les autopsies médico-légales, dans lesquelles l’examen externe du corps est complété par une dissection complète de ce dernier.

 

Les examens externes de cadavre sont toujours réalisés sur réquisition d’un Officier de Police Judiciaire (policier ou gendarme) ou d’un magistrat du Parquet (Procureur de la République ou l’un de ses substituts), plus rarement sur ordonnance de commission d’expert émanant d’un magistrat du siège. Les autopsies médico-légales ne peuvent

être ordonnées que par un magistrat du Parquet (le cas le plus fréquent) ou du siège.

 

Les examens externes de cadavre et autopsies médico-légales sont pour but essentiel la détermination des causes et circonstances de la mort. Par cause de la mort on entend le processus morbide ou l’agent extérieur (traumatisme, intoxication…) ayant conduit à la survenue du décès en essayant de reconstituer la succession d’évènements

(enchaînement anatomo-clinique) responsables de ce décès ; exemples : hémorragie interne massive causée par une plaie du ventricule gauche par projectile d’arme à feu, asphyxie aiguë par inhalation de vomissements dans le cadre d’un coma éthylique, défaillance multi-viscérale en rapport avec l’évolution terminale d’un cancer digestif

métastasé, … Les circonstances du décès désignent le contexte évènementiel dans lequel vient s’inscrire le mécanisme causal du décès ; par ordre de fréquence décroissante les quatre principales circonstances de décès sont : mort naturelle, accident, suicide, homicide. Dans ce contexte, le rôle du médecin légiste en tant qu’auxiliaire de justice vise principalement à renseigner les autorités sur le fait de savoir si le décès peut être en rapport avec une infraction pénale (crime ou délit) ou s’il peut avoir des conséquences au plan des juridictions civiles (exemple : recherche d’indemnisation pour un décès pouvant être en rapport avec un accident médical).

 

L’autopsie médico-légale s’oppose à l’autopsie médicale (ou hospitalière, ou scientifique) en ce sens qu’il n’existe aucune opposition possible de la part de la famille ou des proches du défunt quels que soient les motifs invoqués (philosophiques, religieux, …) et même si ce dernier avait fait de son vivant connaître son opposition à la réalisation d’un tel acte. En droit français, les circonstances dans lesquelles un examen externe ou une autopsie médico-légale doivent être ordonnées ne figurent dans aucun texte législatif. Une recommandation européenne (recommandation n° R (99) 3 du Comité des Ministres aux Etats membres en date du 2 février 1999) relative à l’harmonisation des règles en matière d’autopsie médico-légale précise les points suivants :

 

1) En cas de décès qui pourrait être du à une cause non naturelle, l’autorité compétente, accompagnée d’un ou de plusieurs médecins légistes, devrait procéder dans les cas appropriés à l’examen des lieux et du cadavre, et décider

si une autopsie s’avère nécessaire.

 

2) Les autopsies devraient être réalisées dans tous les cas de morts non naturelles évidences ou suspectées, quel que soit le délai entre l’événement responsable de la mort et la mort elle-même, en particulier dans les cas suivants :

 

  • homicide (ou suspicion)

  • mort subite inattendue (notamment mort subite du nourrisson) ;

  • violation des droits de l’homme ;

  • suicide (ou suspicion) ;

  • suspicion de faute médicale ;

  • accidents de transport, du travail ou domestiques ;

  • maladie professionnelle ;

  • catastrophes naturelles ou technologiques ;

  • décès chez une personne privée de liberté ;

  • corps non identifiés ou restes squelettiques.

En pratique, le magistrat reste seul juge de l’opportunité d’investigations thanatologiques médico-légales sur un cadavre.

Les aspects juridiques pratiques de l’examen externe du cadavre et de l’autopsie seront abordés lors de la séance de travaux dirigés.