TRAUMATISMES

 

CRANIO-ENCEPHALIQUES

 

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PROFESSEUR G. COSNARD

HIA Val de Grâce - Paris

 

Les blessures qui occasionnent des traumatismes crânio-encéphaliques sont l’une des premières causes de mortalité et d’handicap sévère chez l’adulte jeune. Accident de voirie, rixes avec divers ustensiles (barres de fer, batte de base ball etc.)

Une meilleure approche des phénomènes secondaires qui interviennent au cours de leur évolution, et qui concernent notamment des phénomènes ischémiques communs aux lésions médullaires, et aux accidents vasculaires cérébraux permet désormais une meilleure prise en charge des patients.

Cependant la prévention des séquelles par des techniques de réparation du système nerveux central appartient à un avenir lointain.

GUY COSNARD décrit ce phénomène traumatique avec force précision et le résumé de ses travaux sont pris en considération dans le corps médical, il est professeur de radiologie, ancien chef de service à l'Hôpital d'instruction des armées du Val de Grâce à Paris et aujourd'hui professeur à la clinique universitaire de Saint Luc à BRUXELLES, il exerce également à la faculté de médecine de LOUVAIN.

Ses ouvrages sont de véritables références scientifiques et font autorité dans l'enseignement de la science médicale en  radiologie et imagerie.

                                                                                                                            PHILIPPE THOMAS

 
 

1. INTRODUCTION

 

L'accident de la voie publique (AVP) est responsable de 70 % des traumatismes crânio-encéphaliques. Il est la quatrième cause de mortalité et d'invalidité dans la population des pays industrialisés et la première cause de décès des hommes jeunes. Les autres causes de traumatismes sont les chutes et les traumatismes domestiques chez les patients plus âgés ou chez les enfants, les accidents de sport, les traumatismes par armes à feu et enfin les enfants battus. Le traumatisé crânio-encéphalique pur avec des signes neurologiques ou neuro-psychiques qui témoignent déjà de complications gravissimes doit être orienté d'emblée en milieu neuro-chirurgical et bénéficier d'une imagerie en urgence. Les fonctions vitales du polytraumatisé doivent être assurées avant toute investigation et la recherche de lésions cervicales est souvent le premier temps de l'imagerie. L'examen scanographique (TDM) est aujourd'hui l'examen primordial d'un traumatisé crânio-encéphalique. Il doit permettre de répondre en urgence à des questions simples sans retarder un geste chirurgical : une collection hémorragique est-elle visible, est-elle extra durale, sous durale ou intraparenchymateuse et nécessite-t-elle une évacuation chirurgicale ?

 

2. PHYSIOPATHOLOGIE

 

Les lésions primitives relèvent de deux mécanismes :

 

1°) Le choc direct occasionne des lésions superficielles et localisées : de la voûte (fracture, enfoncement ou embarrure), du cortex cérébral (lacérations et contusions) et des ruptures vasculaires méningées causes d'hématome extra-dural notamment.

- Le cerveau est une masse visco-gélatineuse contenue dans une structure osseuse rigide non expansible. Les lésions de "compression-rétraction" par changement de volume de la masse sans changement de forme ou lésions de "coup et contre coup" sont en fait très rares.

 

2°) Les lésions de "cisaillement" par changement de forme sans changement de volume sont les plus fréquentes. Les forces de déchirements sont appliquées aux interfaces et aux zones de jonction de tissus de différentes densités et rigidités : cerveau et espaces sous arachnoïdiens, cerveau et duremère, substance blanche et substance grise, jonction inter-hémisphériques du corps calleux... Lors des AVP, les accélérations ou décélérations avec une composante rotatoire sont responsables de la torsion et du cisaillement des fibres axonales et des vaisseaux. Les lésions sont multiples, diffuses et bilatérales : corticales à type de contusions, plus profondes dans la substance blanche à type de lésions axonales diffuses ou plus profondes encore dans les noyaux gris centraux et le tronc cérébral. Les lésions dues à l'accélération linéaire sont beaucoup plus rares et surtout observées lors des chutes, ce sont de petites contusions corticales et des hématomes sous duraux.

 

Les lésions secondaires sont dues à des désordres métaboliques, à des modifications du débit sanguin cérébral, à une augmentation des pressions cérébrales. L'engagement peut être à l'origine d'un cercle vicieux : compression, ischémie, dysmétabolisme, oedème...

 

3. CLINIQUE

 

De l'examen clinique, et surtout des constatations issues des examens répétés, découlent les indications de l'imagerie, sachant que l'apparition des signes cliniques est déjà de caractère péjoratif car ils traduisent une complication du traumatisme : une mydriase, une diplopie signent le diagnostic d'engagement. Les troubles de la conscience témoignent d'un dysfonctionnement cérébral diffus. Les signes de localisation neurologique sont en faveur d'une lésion focale. Une notion d'intervalle libre avant l'apparition de signes neurologiques ou neuro-psychiques est évocatrice d'hématome. Un langage simple compris de tous est nécessaire pour évaluer la profondeur du coma : c'est l'échelle de Glasgow cotée de 3 à 15. Plus le score est faible, plus le traumatisme est grave. Il intègre les critères cliniques suivants : ouverture des yeux (spontanée 4, à l'ordre 3, à la douleur 2, nulle 1), la meilleure réponse motrice (à l'ordre 6, en flexion : adaptée 5, inadaptée 4, anormale 3, en extension 2 et nulle 1) et la réponse verbale (orientée 5, confuse 4, inappropriée 3, incompréhensible 2 et nulle 1).

 

4. LESIONS ELEMENTAIRES

4
.1. Lésions primitives
4.1.1. Lésions neuronales



1 - Les contusions corticales sont les lésions les plus fréquemment observées, elles sont situées dans la substance grise très vascularisée, toujours en rapport avec une interface osseuse ou duremérienne. Elles sont multiples et confluentes, plus grandes (2 à 4 cm), plus superficielles, plus irrégulières et plus hémorragiques que les lésions axonales diffuses. Leur localisation préférentielle est frontale, à la face inférieure ou sur les faces latérales des lobes frontaux, ou temporale : en regard de l'arête pétreuse, de la grande aile du sphénoïde, sur les faces antérieure, inférieure ou latérale du lobe temporal. Elles expliquent rarement des troubles de conscience.

En phase aiguë, elles sont rarement visibles en TDM, à moins qu'elles ne soient volumineuses, elles apparaissent alors comme des zones hypodenses avec des micronodules hémorragiques hyperdenses. Elles deviennent plus évidentes dans les semaines suivantes en raison de l'oedème, de la nécrose et de l'effet de masse des lésions. L'IRM est beaucoup plus sensible, surtout pour dépister les petites lésions oedémateuses non hémorragiques.

2 - Les lésions axonales diffuses sont les lésions le plus fréquemment observées chez les traumatisés graves. Elles sont responsables des troubles de la conscience. Elles sont petites, nodulaires, ovalaires, mesurant quelques mm. Elles prédominent dans la substance blanche à la jonction substance blanche-substance grise en épargnant le cortex. 80 % d'entre elles ne sont pas hémorragiques et 20 % présentent des pétéchies hémorragiques en leur centre. Elles sont observées en substance blanche superficielle pour 70 % d'entre elles : dans les centres semi ovales, en périphérie des cornes ventriculaires temporales, parfois en capsules externe et interne ou dans le cervelet. 20 % d'entre elles sont situées dans le corps calleux, surtout dans le splénium et sont alors parfois associées à des hémorragies intraventriculaires. Dans les cas les plus graves, les lésions atteignent la partie supérieure et dorso-latérale du tronc cérébral. Seules les grosses lésions hémorragiques sont décelées en TDM sous forme de nodules hyperdenses.

L'IRM est beaucoup plus sensible montrant des nodules ovoïdes de signal élevé en séquence pondérée T2 ou sans signal si elles sont hémorragiques, grâce à l'effet de susceptibilité magnétique de la désoxyhémoglobine, surtout en séquence d'écho de gradient à TE long. Mais les 2 techniques TDM et IRM sous estiment les lésions uniquement décelées lors de l'examen anatomo-pathologique microscopique.

3 - Les lésions du tronc cérébral sont le plus souvent des lésions axonales diffuses associées à celles du corps calleux et de la substance blanche. Des pétéchies hémorragiques péri-épendymaires en région pédonculaire témoignent de la rupture des vaisseaux perforants et sont souvent associées à des hémorragies thalamiques. La localisation dorso-latérale des lésions primitives s'oppose à la localisation centrale et surtout protubérantielle des lésions secondaires. Les troubles de la conscience sont souvent immédiats, le score de Glasgow faible et les séquelles de règle.

Les performances de la TDM sont médiocres surtout en cas de lésion non hémorragique. L'IRM permet de voir les lésions dorsolatérales du mésencéphale et des pédoncules cérébelleux supérieurs.

4.1.2. Collections hémorragiques


1 - L'hématome extra-dural (HED) est collecté dans l'espace épidural entre la table interne et le feuillet externe de la dure-mère (figures 1, 2, 3). Son expression clinique est variable et aspécifique, le classique intervalle libre est également observé en cas d'hématome sous dural ou intraparenchymateux ou de contusions.

La plaie est artérielle dans 90 % des cas. Il est associé à une fracture de la voûte dans 80 à 90 % des cas, moins fréquente chez les enfants. La localisation temporo-pariétale due à une déchirure de l'artère méningée moyenne est la plus fréquente. Les localisations parasagittale, en fosses temporale ou cérébrale postérieure sont plus rares et souvent dues à des déchirures des sinus veineux.

La pression artérielle et les adhérences duremériennes qui limitent l'extension de la collection expliquent son aspect en lentille biconvexe. L'insertion très forte du feuillet duremérien interne aux sutures explique la limitation d'extension de l'HED en zone suturaire. Un HED est en général situé en regard d'une tuméfaction des parties molles, centré sur une lésion osseuse, au contact de la voûte. Ses limites sont nettes, sa forme est celle d'une lentille biconvexe, sa plage est en général homogène. Il est limité dans son extension par les sutures. Il exerce un effet de masse sur le parenchyme.
 

Lésion par coup direct : hématome extra-dural, dilacération et contusions corticales.

Figure 3 :Hématome extra-dural : décollement

du sinus, extension antérieure limitée par la suture.

Figure 2 : Hématome extra-dural, fracture,

 embarrure, tuméfaction des parties molles.

En TDM, lors de la phase d'installation, l'hématome a une densité de 40 UH. Après coagulation, sa densité est de 60 ou 80 UH. La collection peut être hétérogène en cas de saignement continu, de traitement anticoagulant, de grande spoliation sanguine...avec des zones en général déclives mesurées à 80 UH et des zones moins denses à 30 UH. En IRM, la duremère est visible sous forme d'une fine ligne de bas signal à toutes séquences. Le signal de l'HED varie avec le temps. Dans les premières heures, il est de signal proche ou plus élevé que celui de la substance grise. Après quelques heures, il devient de faible signal en séquence pondérée T2 et en séquence d'écho de gradient surtout avec un TE long et à haut champ en raison de l'artefact de susceptibilité magnétique dû à la présence de désoxyhémoglobine. Un hématome extra-dural est en règle générale une extrême urgence chirurgicale. Seuls les petits hématomes asymptomatiques, sans effet de masse notable peuvent être éventuellement surveillés d'autant qu'ils sont découverts tardivement.

2 - L'hématome sous-dural (HSD) aigu (installé en 3 à 4 jours) ou subaigu (5 à 20 jours), est situé entre le feuillet interne de la duremère et l'arachnoïde (figures 4 et 5). Il a pour origine une rupture des ponts veineux méningés par cisaillement. Son installation est lente en plusieurs heures ou jours. Il est plus fréquent en cas de chute qu'en cas d'AVP. L'association à une fracture du crâne est rare, mais il est souvent associé à des lésions cérébrales. Son expression clinique est variable selon sa forme, son volume, sa topographie et l'importance de l'effet de masse. Une décompensation brutale secondaire à un engagement est toujours redoutée. Le taux de mortalité est encore très élevé, surtout en cas de lésions associées en raison des effets de l'HSD sur les lésions axonales sous jacentes. L'HSD est étalé en croissant (dans le plan horizontal), ne respectant pas les limites suturaires. Il ne décolle ni ne soulève les sinus veineux. Le contour externe est net, le bord interne est souvent ondulé. Les signes indirects sont dus à l'effet de masse de l'hématome majoré par celui des lésions parenchymateuses souvent associées. Il peut être périhémisphérique uni ou bilatéral, inter-hémisphérique, sous-temporal, sus ou sous tentoriel.

 

En TDM, il a un aspect de croissant (coupes horizontales) situé contre la voûte, entre os et cerveau, donnant parfois un aspect "d'os épais". Il est spontanément hyperdense jusqu'à 10 jours, plus rarement iso ou hypodense (hématocrite bas, taux d'hémoglobine peu élevé, défaut de coagulation, rupture associée de l'arachnoïde avec envahissement de LCS). Après 10 jours, sa densité diminue et devient proche de celle du cerveau, sa détection peut alors être difficile, surtout s'il est bilatéral, mieux mis en évidence après injection de produit de contraste iodé IV rehaussant la leptoméninge qui le borde en dedans. Il devient hypodense en 2 à 3 semaines.

 

En IRM : le signal de l'HSD varie selon son âge. Il est d'abord de signal proche de celui de la substance grise ou de signal plus élevé en pondération T1 et T2. En quelques heures, la présence de désoxyhémoglobine est responsable d'un faible signal de l'hématome en écho de spin pondéré T2 et en écho de gradient. Après 2 à 3 jours, la méthémoglobine est à l'origine du signal intense de l'hématome en pondération T1. La lyse cellulaire progressive fait évoluer le signal de l'hématome en pondération T2 : d'abord faible signal, puis signal intense.

 

L'HSD chronique (au-delà de 20 jours) est dû à l'évolution d'un HSD aigu ou à des hémorragies répétées. Il apparaît dans 50 % des cas sans traumatisme, mais en rapport avec un terrain éthylique, chez des patients sous traitement anticoagulant, après pose de shunts ventriculaires.... Il n'est pas homogène, mais cloisonné par des membrannes sous durales très vascularisées qui se développent en 1 à 3 semaines et qui contiennent des collections hémorragiques d'âges différents. Il a donc des aspects très variés en imagerie, rarement en croissant, plus souvent en lentille biconvexe, contenant souvent des images de niveaux liquides. En TDM, sa densité est souvent identique à celle du cerveau. En IRM, les signaux de l'HSD sont très variés comme son contenu en différents produits de dégradation de l'hémoglobine.

4   Lésions inertielles axonales diffuses de cisaillement avec

hématome sous-dural sous-temporal.

5   Hématome sous-dural.

 

 

3 - Les hématomes intracérébraux ont pour origine le cisaillement des artères et des veines profondes intraparenchymateuses (figure 6). Ils se distinguent des contusions car ils s'installent dans un parenchyme cérébral normal dont les constituants sont seulement refoulés. A l'inverse, la contusion hémorragique suppose des lésions des axones et de la glie. Ils se différencient aussi de même de l'attrition cérébrale qui est est un broiement, une dilacération et une nécrose étendue du parenchyme avec lésions oedémato-hémorragiques non systématisées de topographie frontale ou temporale. Les hématomes intracérébraux sont rares, observés dans 2 à 16 % des traumatismes. Ils siègent dans les lobes frontaux ou dans les noyaux de la base. Leur taille varie de quelques mm à plusieurs cm. Leur expression clinique est très variée et semblable à celle des hématomes extracérébraux, avec peu ou sans troubles initiaux de la conscience. Ils sont de bon pronostic si leur volume est modéré, excepté en temporal où l'évolution est imprévisible même s'il est petit, en raison des risques d'engagement temporal et de lésions secondaires du tronc cérébral. Leur apparition est parfois retardée dans 1 cas sur 10.

 

Le diagnostic de cet hématome est facile en TDM à la phase aiguë car il apparaît comme une masse à contours nets, spontanément hyperdense (40 à 80 UH). En IRM, le diagnostic est moins évident à la phase suraiguë car son signal est proche de celui de la substance cérébrale. Il est plus facile quelques heures plus tard (hyposignal de la désoxyhémoglobine en pondération T2 et en écho de gradient) et très facile en phase subaiguë en raison du signal intense de la méthémoglobine en pondération T1.

 

Hématomes intracérébraux

 Hémorragie méningée.

4 - L'hémorragie méningée est diffuse ou localisée, le plus souvent secondaire à une hémorragie parenchymateuse corticale (figure 7). Le sang s'insinue dans les citernes, les vallées et les sillons en dessinant le cerveau en négatif.

 

Elle peut être difficile à détecter si elle est de faible abondance ou si l'hématocrite est bas. Elle est plus facile à mettre en évidence en TDM qu'en IRM.

 

- L'hémorragie intraventriculaire est secondaire à une hémorragie parenchymateuse périventriculaire ou à un cisaillement des veines sous-épendymaires.

 

Le risque ultérieur est l'apparition d'une hydrocéphalie. Elle peut être abondante ou limitée aux régions déclives, dans les cornes occipitales des ventricules latéraux ou dans la partie postérieure du troisième ventricule en position de décubitus, avec image de niveau liquide. Son diagnostic est facile en TDM et en IRM car la densité du sang et son signal sont toujours inverses à ceux du LCS.

 

 

4.1.3. Lésions vasculaires artérielles et veineuses

 

 

Les lésions vasculaires sont rares mais leur fréquence apparaît sous-estimée, d'autant que leur décompensation survient parfois plusieurs mois après le traumatisme. Elles sont variées : dissections, lacérations, occlusions, pseudoanévrysmes, fistules carotido-caverneuses, fistules artério-veineuses durales... Elles surviennent ou non dans un contexte de fracture de la base dont la découverte doit constituer un signe d'alarme. La fistule carotido-caverneuse secondaire à une déchirure du siphon carotidien dans la loge caverneuse est souvent de diagnostique clinique avec exophtalmie pulsatile brutale, souffle orbitaire, chémosis, hyperémie conjonctivale. L'imagerie montre : une éventuelle fracture du sphénoïde et le comblement du sinus sphénoïdal, une exophtalmie, une hypertrophie de la loge caverneuse, une dilatation de la veine ophtalmique supérieure, une hypertrophie des muscles orbitaires. TDM et IRM confirment ce diagnostic, l'angio-RM peut précéder un geste thérapeutique d'embolisation. Les lésions vasculaires cervicales et en particulier la dissection de la carotide interne peuvent se manifester par une hémiplégie d'installation progressive quelques heures ou quelques jours après un traumatisme minime. L'angio-RM peut montrer l'absence de flux carotidien. Les pseudoanévrysmes post-traumatiques sont rares et le plus souvent secondaires à une fracture osseuse de voisinage : sphénoïde en particulier. Les thromboses veineuses du sinus longitudinal supérieur ou du sinus latéral sont secondaires à une lésion de la voûte : fracture, embarrure, enfoncement. Angiographie et angio-MR ont les mêmes performances diagnostiques.

 

4.1.4. L'engagement cérébral

 

L'engagement cérébral est la conséquence de l'effet de masse des lésions hémorragiques et oedémateuses :

 

l'engagement sous falcoriel est apprécié par l'importance du refoulement des structures médianes et en particulier du troisième ventricule, du septum lucidum et de l'épiphyse. Le ventricule latéral homolatéral est souvent laminé, tandis que le ventricule latéral contro-latéral est dilaté par blocage du foramen interventriculaire. La compression de l'artère péricalleuse peut entraîner des complications de type ischémique dans le territoire cérébral antérieur. Les coupes frontales de l'IRM permettent la visualisation directe de l'engagement du gyrus cingulaire sous la faux du cerveau.

l'engagement de l'hippocampe dans l'incisure tentorielle ou engagement temporal est responsable de la compression : du nerf moteur oculaire commun (mydriase), du tronc cérébral (troubles neurovégétatifs), de l'artère cérébrale postérieure (infarctus) et de l'aqueduc de Sylvius (hydrocéphalie). Les coupes frontales de l'IRM permettent la visualisation directe du gyrus hippocampique dans l'incisure tentorielle.

l'engagement central est bien apprécié sur la coupe sagittale médiane et les coupes frontales qui mettent en évidence le déplacement rostro-caudal des structures mésencéphaliques. Il peut être responsable de lésions ischémiques dans le territoire de l'artère cérébrale postérieure.

l'engagement amygdalien cérébelleux dans le foramen occipital entraîne une compression du bulbe et met en jeu les fonctions vitales de l'organisme.

la hernie cérébrale dans un volet traumatique.

 

4.1.5. Lésions osseuses de la voûte et de la base, les lésions du scalp

 

Les lésions du scalp sont très hémorragiques, l'hémostase est une urgence chirurgicale. Les fractures de la voûte sont situées en regard d'une contusion des parties molles. La fracture peut être simple et linéaire, avec effilement progressif et arrêt sur une suture ou étoilée. L'embarrure traduit l'intrusion de l'os dans la boîte, elle est responsable de lésions cérébrales immédiates à type d'attrition . Elle peut se manifester tardivement par des crises d'épilepsie. Les fractures de la base sont responsables de brêches ostéo-méningées sources d'infection ultérieure même très tardive. L'examen TDM est seul capable d'en assurer un bilan complet.

 

Elles sont secondaires aux lésions primitives ou à une défaillance systémique. Les complications des lésions primitives sont surtout de type ischémique liées aux engagements : compression contre les structures rigides duremériennes de l'artère cérébrale postérieure lors d'un engagement transtentoriel, de l'artère cérébrale antérieure lors d'un engagement sous falcoriel (figures 8 et 9). Les lésions de lacération vasculaires, les thromboses ou les embolies sont plus rares. L'hypertension intracrânienne est une complication grave, elle peut être mesurée directement par des capteurs.

 

Elle traduit la dysrégulation humorale, métabolique et neurogène. Elle peut être à l'origine d'un oedème cérébral diffus, surtout chez l'enfant. TDM et IRM sont peu sensibles pour l'évaluer, la disparition des espaces sous arachnoïdiens et la compression des ventricules en sont des témoins tardifs et imprécis. Les lésions secondaires du tronc cérébral sont dues à l'anoxie systémique, à l'hypotension, à des thromboses artérielles, des embolies, des hémorragies secondaires ou à une compression mécanique due à l'engagement transtentoriel. Les lésions secondaires lèsent surtout le tegmentum et le pont en région centrale. L'IRM permet de montrer les zones d'oedème ou d'infarctus dans le territoire des artères perforantes en séquence d'écho de spin pondéré T2 et les éventuelles lésions hémorragiques en séquence d'écho de gradient.

Lésions secondaires du tronc cérébral dues à un

hématome sous-dural.

Hématome sous-dural et lésions sous-jacentes.

Engagements : cingulaire, hippocampique, central, amygdalien.

4.3. Lésions séquellaires

 

Ce sont les lésions d'atrophie, de dégénérescence Wallérienne, de démyélinisation, de cavitation et de gliose. Les performances de l'IRM sont très supérieures à celles de l'examen scanographique pour mettre en évidence en particulier les dépôts d'hémosidérine et les lésions d'encéphalomalacie.

 

 

5. IMAGERIE MEDICALE

 

5.1. Clichés standards

 

Les clichés standards avec les incidences de : face haute, profil et Worms permettent de déceler une fracture radio-claire linéaire ou stellaire ou radio-opaque de la voûte, une embarrure, une disjonction suturaire, un déplacement des calcifications épiphysaires, une pneumencéphalie abondante. Il faut souligner que les lésions de la voûte ne sont pas un indicateur de lésions intracrâniennes : 90 % des patients avec fracture n'ont pas de lésion sous-jacente et 50 % des patients avec lésion cérébrale n'ont pas de lésion osseuse. Leur prescription est le plus souvent inadéquate ou abusive et d'un coût exorbitant. Leur indication à titre médico-légal ne devrait s'inscrire que dans le cadre d'une enquête judiciaire. Par contre, ils sont indiqués en cas de suspicion d'enfant battu.

 

5.2. TDM

 

L'examen doit être réalisé en contraste spontané. L'injection de produit de contraste est proscrite en période aiguë car elle risque de masquer une hémorragie et peut-être d'aggraver l'oedème cérébral. Les coupes sont d'épaisseur demi-centimétriques jointives du trou occipital au vertex. Dans un premier temps, un filtre privilégiant la résolution en contraste doit être choisi au détriment de la résolution spatiale. La lecture doit être effectuée en fenêtre parenchymateuse "serrée" et en fenêtre osseuse.

 

La TDM permet la mise en évidence du signe direct de l'hémorragie : collection de densité variable entre 40 et 80 UH, hyperdense relativement à la substance grise ou blanche. Cette hyperdensité est due à la haute concentration protéique des éléments figurés du sang et seulement pour 10% à sa teneur en fer.

 

La définition de sa localisation extra-durale ou sous durale est souvent aisée sur les critères morphologiques précédemment décrits. L'hémorragie dans les espaces sous arachnoïdiens est aisément décelée si elle est suffisamment importante et que les éléments figurés ne sont pas trop dilués dans le LCS. Dans les ventricules, l'hyperdensité du sang doit être recherchée dans les régions déclives. Dans le parenchyme, l'hémorragie peut être collectée (surtout dans les noyaux gris centraux) avec visualisation d'une masse hyperdense homogène.

 

Un foyer nécrotico-hémorragique d'attrition apparaît comme une zone mal limitée, à contours irréguliers, de plage hétérogène hypodense avec nodules hyperdenses plus ou moins confluents. Les hémorragies corticales sont souvent ignorées si elles ne sont pas volumineuses. De petits foyers nodulaires hyperdenses témoignent de l'existence des lésions axonales hémorragiques surtout en zones de jonction de la substance blanche et de la substance grise, du corps calleux, en périventriculaire...

 

L'examen TDM montre également les signes d'oedème ou d'ischémie ou de nécrose grâce à l'hypodensité tissulaire liée à la présence d'eau intra ou extra-cellulaire. L'effet de masse est un signe indirect de lésions intra ou extracérébrales et se manifeste par l'effacement des sillons, le comblement des citernes, le déplacement des structures médianes, les engagements. Les lésions osseuses de la voûte et de la base sont facilement dépistées. Une brêche ostéo-duremérienne avec pneumencéphalie est détectée par la mise en évidence de bulles d'air intracrâniennes de densité fortement négative (-500 à -1000 UH). Par contre, l'examen TDM méconnaît les fines lames hématiques, il est très peu sensible dans le dépistage des lésions non hémorragiques et notamment des lésions axonales diffuses. La fosse cérébrale postérieure et le tronc cérébral sont mal étudiés en raison des artefacts de rupture brutale d'absorption des rayons X et de la faible résolution en contraste de la TDM. La TDM n'a enfin aucune valeur pronostique.

 

5.3. IRM

 

Cet examen doit être réalisé en antenne tête, et nécessite une étude dans au moins 2 plans (axial transverse toujours recommandé) et selon 3 séquences : écho de spin ou de gradient pondéré T1, écho de spin pondéré T2, écho de gradient pondéré Rho ou Rho -T2* avec un TE long pour privilégier l'effet de susceptibilité magnétique, au mieux en technique 3 DFT avec 60 à 120 coupes jointives de 1 à 2 mmm d'épaisseur.

 

En phase aiguë, les séquences en écho de gradient en pondération Rho ou Rho-T2* montrent des foyers hémorragiques intraparenchymateux non visualisés en TDM. Les foyers hémorragiques apparaissent avec un hyposignal traduisant la présence de désoxyhémoglobine paramagnétique, surtout à haut champ. Les foyers oedémateux sont en hypersignal mais moins bien vus qu'en séquence d'écho de spin pondéré T2.

 

Les séquences en écho de spin pondérées T2 montrent les lésions oedémateuses et surtout les lésions axonales diffuses, surtout quelques jours après le traumatisme. Elles mettent bien en évidence les lésions des centres ovales, du corps calleux et des pédoncules cérébraux. Elles peuvent ignorer les petites hémorragies, surtout en technique de spin écho rapide en raison du rephasage itératif des spins.

 

Les séquences en écho de spin ou de gradient pondérées T1 sont les séquences idéales pour étudier les engagements cérébraux surtout en coupes frontales (sous falcoriel, trans-tentoriel) et sagittales (central et amygdalien). Par contre, les hématomes sont moins évidents qu'en TDM à la phase aiguë

 

En effet, l'hématome contenant de l'oxyhémoglobine et de la désoxyhémoglobine sont en isosignal au parenchyme cérébral en écho de spin pondéré T1. Le diagnostic est posé sur des critères morphologiques et par l'étude du signal en multiples séquences, surtout en écho de gradient à TE long. Par contre, en phase subaiguë, dans la séquence en écho de spin pondéré T1, le signal intense de la méthémoglobine est pathognomonique. Ceci permet de déceler de très petits foyers hémorragiques et de fines lames hématiques indétectables en TDM.

 

L'IRM n'est pas toujours facile à réaliser en urgence en raison du peu d'appareillages disponibles et des conditions d'isolement du patient dans le tunnel avec surveillance difficile et nécessité de matériel de réanimation amagnétique. Ses contre indications sont celles de l'IRM : pace-maker, électrodes implantées, corps étrangers métalliques..., en soulignant la difficulté de l'interrogatoire et de l'inspection dans le contexte de l'urgence. Le bruit des antennes de gradient peut constituer une agression supplémentaire pour un cerveau fragilisé. L'IRM est par ailleurs très sensible aux artefacts de mouvement et le patient doit être totalement immobile. L'examen IRM est encore aujourd'hui plus long qu'un examen TDM. La séméiologie IRM est beacoup plus riche que celle de la TDM, mais elle est aussi plus difficile. La séméiologie TDM est aujourd'hui bien connue de nombreuses équipes médicales (neurologues, neuro-chirurgiens, réanimateurs), la séméiologie IRM reste encore ignorée du plus grand nombre. L'hémorragie est évidente en TDM, elle est plus difficile à déceler en IRM à la phase aiguë (l'hémorragie méningée est souvent ignorée à cette phase). L'IRM ne permet pas toujours de différencier une bulle d'air d'une esquille de corticale osseuse, elles ont le même hyposignal à toutes les séquences. L'IRM est par ailleurs beaucoup moins performante que la TDM pour faire le bilan des lésions osseuses de la voûte, de la base et de la face. Enfin, elle ne peut aujourd'hui prétendre faire le bilan d'un polytraumatisé.

 

5.4. Echographie et écho-doppler, artériographie

L'échographie est indiquée pour l'étude des vaisseaux du cou et rechercher une éventuelle dissection carotidienne en particulier. L'artériographie est de moins en moins indiquée à titre diagnostique, du fait de la substitution par l'angio-RM.

 

6. STRATEGIE

 

1.      Traumatisé crânio-encéphalique pur ou polytraumatisé physiologiquement ou neurologiquement instable : TDM en urgence qui permet de détecter en 2 à 3 minutes un hématome extradural ou sous dural ou intraparenchymateux et de décider de son évacuation. Elle permet le bilan des polytraumatismes.

2.      Traumatisé crânio-encéphalique physiologiquement et neurologiquement stable :

·         score de glasgow 13-15 avec petite désorientation ou confusion et céphalées, des troubles déficitaires très discrets et régressifs : dans ce groupe, les hématomes et fractures sont fréquents, l'examen TDM est particulièrement adapté à leur mise en évidence.

·         score de glasgow inférieur à 12 : l'indication d'une imagerie en coupes (TDM ou IRM) est obligatoire et urgente. L'IRM devrait, autant que possible être préférée à l'examen TDM ou être réalisée si possible dans les 2 premières semaines car c'est dans les 7 à 15 jours qui suivent le traumatisme que les lésions oedémateuses sont le plus visibles.

    3.   Suspicion d'enfant battu : radiographies standards du crâne et IRM.

    4.   Séquelles traumatiques : l'IRM devrait être indiquée en première intention.

 

 

7. CONCLUSION

 

En cas de traumatisme crânio-encéphalique, les clichés standards ne sont plus que très rarement indiqués dans nos pays industrialisés. L'examen scanographique permet de définir toutes les indications chirurgicales en urgence. Ne pas le prescrire devant l'apparition d'un signe neurologique ou neuro-psychique est une faute. L'IRM pourrait se substituer à l'examen scanographique dans un proche avenir. Outre les lésions hémorragiques, elle montre les lésions axonales et les lésions du tronc cérébral mais également les lésions vasculaires. En association avec les résultats de l'examen clinique, de la pression intracrânienne, des potentiels évoqués du tronc cérébral, elle pourrait aider à définir les attitudes médicales une fois récusé le principe d'une intervention chirurgicale.