L'exploitation de l’ADN

 

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l’enquête judiciaire

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L'exploitation de l’ADN est un moyen scientifique parmi d’autres dans l’enquête judiciaire

et ne peut être considérée comme une valeur absolue

 

Par Philippe THOMAS

En 2003 ans la communauté scientifique célébrait le cinquantenaire de la publication sur la découverte de la structure de l’acide désoxyribonucléique, cette modeste parution qui tenait en une seule page vaudra à leurs auteurs le prix Nobel de médecine 1962.

L’histoire nous ramène au 25 avril 1953 à Cambridge, deux jeunes doctorants, le biologiste James Watson et le physicien Francis Crick, publient dans une revue scientifique un article intitulé « A structure for Desoxyribose nucleic acid » dont le contenu allait se révéler être l’une des plus grandes découvertes du 20éme siècle : l’ADN, qui livrera les secrets de l’hérédité et de la vie.

Cette structure qui nous est aujourd’hui familière était à l’époque un véritable mystère car on n’entendait rien dans l’essentiel du code génétique pas plus qu’on ne comprenait le mécanisme de sa transmission. La découverte de la structure de l’ADN nous conduira à comprendre comment les individus diffèrent les uns des autres tout en conservant génération après génération, les traits essentiels de leurs espèces.

Depuis, l’exploitation de ces informations ont connu de spectaculaires rebondissements dont une nouvelle méthode d'identification en 1985 par Sir Alec Jeffreys à l'origine de la création des fichiers génétiques de la police permettant d'identifier les criminels, mais aussi d'innocenter les suspects et la découverte du fameux génome Humain en 1990, l’homme de loi doit ainsi s'adapter et apprendre ce qu’il convient de faire et ne pas faire, en amont comme en aval d’un dossier.

Pour des raisons liées à une éthique culturelle, la législation française ne suit pas en temps réel les progrès de ces dernières technique ralentissant de fait l’utilisation du FNAEG, le Fichier National des Empreintes génétiques ne reçoit les prélèvements que des mis en cause, des détenus et des personnes fichées pour délits ou crimes sexuels, contrairement à d’autres pays européens qui fichent systématiquement leurs citoyens pour la plus petite des infractions routières.

Il est important de souligner que l’ADN n’est qu’un élément dans une enquête judiciaire et que la faire reposer sur un seul élément ne peut conduire la justice que sur la voie de l’erreur. Je ne suis ici pas le seul à mettre en garde le monde judiciaire, de nombreux scientifiques dénoncent leurs interprétations abusives et un manque de recul certain, les exagérations de la presse sur le sujet en sont une preuve éclatante.

 

Le juriste doit se concentrer sur l’essentiel et connaître tout d’abord la distinction entre les deux ADN qui permettent l’identification d’un individu : l’ADN nucléaire et l’ADN mitochondrial.

 

- L’ADN nucléaire en dehors des vrais jumeaux est unique, elle est présente dans chacune de nos cellules, chaque cellule dispose d’une copie unique de 3 milliards de paires de bases soit une encyclopédie de 500 volumes de 800 pages.


- L’ADN mitochondrial est intéressant mais constitue un substrat de dernier recours car s’il est quantitativement plus présent dans les cellules, il est plus petit en taille que l'ADN nucléaire en ne comptant que plusieurs centaines de copies d'un brin unique de 17 000 paires de bases.

 

L'ADN mitochondrial est une molécule d'ADN que l'on retrouve dans les mitochondries, petites usines énergétiques qui se trouvent dans la cellule, mais hors du noyau et qui permettent l'alimentation en O² de cette derniére.

 

L'avantage d'utiliser l'ADN mitochondrial pour l'analyse de la diversité génétique de nos ancêtres, réside dans le fait que les mitochondries sont transmises uniquement par la mère. Cela permet donc de suivre des populations en comparant le degré de similarité de leur ADN mitochondrial.


L’application de cette science sur cette dernière technique mitochondriale aurait sans doute pu dénouer l'énigme de l'affaire Grégory, la salive du corbeau contenu au verso du timbre apposé sur les lettres de menaces contenait assez d'éléments susceptibles de confondre son auteur, mais la science est arrivée trop tard et les très mauvaises conditions de stockage des scellés ont détruit les preuves à tout jamais.
L'analyse approfondie de l’ADN mitochondrial offre donc des outils très efficaces d'investigation. Sa première utilisation dans un cadre judiciaire remonte à 1996 dans le Tennessee aux États-unis. Elle permit d'identifier un meurtrier après l'analyse de son ADN contenu dans des cellules associées à des traces de salive.

L’ADN a permis aux États-unis d’innocenter des milliers de personnes dont certaines attendaient l’épuisement des recours dans le « couloir de la mort » (162, rien que dans l’État de New York depuis 1992) d’autres emprisonnées depuis plus de 20 ans ont été libérées du jour au lendemain, mais beaucoup d’entre eux n'auront pas eu la chance ou le temps de connaître cette évolution de la science.

Cela étant, nous devons être convaincu que la plus performante des sciences mal interprétée peut générer des catastrophes, un scandale a ébranlé les Pays-Bas cette année : un homme, condamné à 18 ans de prison pour le viol suivi d’un meurtre de deux enfants, a finalement été disculpé après qu’un autre individu ait reconnu être l’auteur des faits. Or, le premier avait été condamné sur la base de son ADN, dont on avait retrouvé quelques éléments concordants sur les victimes.

Si aujourd’hui les techniques sont automatisées et donc plus sures il faut bien insister sur les vérifications de procédures techniques de relevé et transport des empreintes génétiques qui sont le point noir de l'utilisation de l'ADN en médecine légale dans le risque de contaminations et donc de résultats faussés

Nul n’est parfait et notre système judiciaire connaît et connaîtra encore des ratés, c’est ainsi parce que l’administration de la justice est humaine. Mais c’est en le gardant bien à l’esprit que nous pourrons peut être prévenir d’une erreur judiciaire. Sachons donc faire avec raison les réserves d’usage sur des techniques qui nous sont étrangères et abstenons nous de conclure ou de faire conclure sur la base d’une seule preuve scientifique.

 

Voir à ce sujet et ici les explications techniques d'exploitation judiciaire sur les empreintes génétiques