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Les systèmes étrangers L'étude des profils d'ADN est devenue une activité de routine dans les laboratoires de sciences médico-légales d'Angleterre et des Etats-Unis, dès les premières années qui ont suivi la publication, en 1985, du premier système d'analyse par Alec Jeffreys. Cent cinquante laboratoires, regroupant plus de sept cents experts pratiquent actuellement l'expertise d'ADN en Europe. Une classification générale peut être opérée en distinguant deux catégories de systèmes. - Dans certains Etats, dont l'Angleterre constitue le type le plus achevé, l'analyse de l'ADN, dont l'emploi est alors autorisé pour l'ensemble des poursuites pénales, permet d'identifier les points communs à plusieurs infractions commises, de façon suivie, par des délinquants « professionnels », notamment dans le domaine des infractions contre le patrimoine. La technique des empreintes génétiques et les fichiers qui centralisent les données issues des analyses constituent des instruments de police judiciaire. - Dans d'autres Etats, tels que les Pays-Bas, l'analyse de l'ADN est utilisée de manière très restrictive, afin d'identifier très rapidement, en cas de récidive, des personnes qui ont déjà fait l'objet d'une condamnation, par exemple les auteurs de délits sexuels. Là, la décision d'un juge est requise pour ordonner l'analyse et la saisie des profils dans le système d'information. 3.1. Les pays anglo-saxons 3.1.1. L'Angleterre et le Pays de Galles Les Britanniques disposent, depuis 1995, d'une législation qui autorise très libéralement le recours aux tests d'identification génétique dans le domaine judiciaire. Avant cette date, les textes en vigueur ne permettaient de pratiquer des prélèvements et des analyses que sur les individus coupables de crimes et délits passibles de lourdes peines d'emprisonnement. Les autorités de police plaidaient en faveur d'un élargissement de ces critères en invoquant, statistiques à l'appui, l'argument selon lequel bon nombre de condamnés pour des infractions graves ont été précédemment impliqués dans des affaires de petite délinquance. Le rapport publié en 1993 par la commission royale sur la justice pénale, coïncidant avec le développement de la technologie basée sur la PCR, a préconisé d'étendre les infractions pour lesquelles les personnes incriminées pourraient subir des prélèvements « externes » (écouvillons buccaux et racines de cheveux) permettant d'établir leur profil ADN. Dans la lignée de ce rapport, la loi sur la justice pénale et l'ordre public, promulguée en 1995, a autorisé les prélèvements d'ADN sur toute personne accusée d'un délit justiciable d'une peine d'emprisonnement. Etait prévue parallèlement la création d'une base nationale de données centralisant, d'une part, les profils génétiques ainsi obtenus, d'autre part, l'analyse génétique des traces non identifiées prélevées sur les scènes du crime. Si les charges pesant sur un individu sont abandonnées ou s'il bénéficie d'un acquittement, les échantillons et les profils ADN sont retirés de la base de données. Aucune disposition n'a été prévue quant à la suppression dans la base du profil d'un individu reconnu coupable. La loi n'ayant pas une portée rétroactive, les seuls profils enregistrés sont ceux des personnes condamnées après sa promulgation. Dans le cadre d'un projet de loi en cours d'examen sur le renforcement et la modernisation de la justice et de la police, le Ministre de l'Intérieur a récemment proposé que les prélèvements d'ADN puissent rester à la disposition de la police alors même que l'enquête n'a débouché sur aucune condamnation. En pratique, compte tenu de l'ampleur et du coût de ces opérations, les prélèvements et analyses ont été primitivement limités aux cas de crimes sexuels, agressions sur les individus et cambriolages, ce qui représentait néanmoins l'analyse annuelle de 135 000 échantillons individuels16. Dans cette même optique de réduction des coûts, il a été décidé de recourir au système « multiplex » qui consiste à coamplifier plusieurs loci dans la même réaction en introduisant plusieurs couples d'amorces dans le système réactionnel. Chaque locus serait choisi sur un chromosome différent pour s'assurer qu'il n'y ait aucune association de marqueurs entre les loci et à l'intérieur des loci. Dans un premier stade, un multiplex de quatre loci (quadruplex) a été utilisé mais il devint très vite évident que cette combinaison n'aurait pas un pouvoir suffisant de discrimination entre les individus. Aussi les laboratoires utilisent-ils aujourd'hui un multiplex de six loci groupés auquel s'ajoute un locus isolé qui permet de déterminer le sexe. Ces sept marqueurs ont été par la suite repris par un certain nombre de laboratoires européens et notamment par les experts français (cf. les décret et arrêté du 18 mai 2000). Les prélèvements effectués sur les suspects ainsi que les traces relevées sur les scènes de crime sont analysés par l'un des trois laboratoires du Forensic Science Service (F.S.S.) installés à Londres, Birmingham et Huntington qui peuvent, à eux trois, traiter annuellement 350 000 échantillons. La transmission des résultats est opérée par chaque laboratoire qui dispose d'une liaison informatique avec le fichier central. Si une concordance est établie entre le profil ADN d'un suspect et les résultats d'une affaire en souffrance, un second prélèvement est utilisé pour vérifier les résultats. Si des preuves matérielles sont requises après l'établissement de la concordance, un autre prélèvement doit être effectué et analysé, soit en reprenant les premières analyses, soit en les complétant avec un autre set de loci. D'avril 1995, date de sa création, jusqu'en juillet 2000, selon les statistiques établis par le F.S.S., la base nationale de données a enregistré 817 450 profils ADN de suspects17 et permis d'établir 88 595 concordances dont 77 522 entre un suspect et une trace non identifiée et 11 073 entre deux indices provenant de scènes de crime. Le nombre de concordances obtenues par le croisement des données s'élèverait, en moyenne, à 600 par semaine. Il convient toutefois de noter que 90 % de ces concordances ne concernent que des délits mineurs. Un important effort financier a été engagé par le Gouvernement britannique pour le développement de ce dispositif. Ce sont, au total, 202 millions de livres qui seront investis de 2000 à 2004 pour centraliser les empreintes génétiques de trois millions de délinquants et améliorer la fiabilité des indices prélevés sur les scènes de crime. Les analyses d'ADN menées par le Forensic Science Service sont, comme l'ensemble de ses expertises, certifiées par le service d'accréditation du Royaume-Uni (UKAS) à la norme NAMAS M10 et par l'assurance qualité de l'institut des normes britanniques (BSI) à la norme BS EN ISO 9001. De 1995 à 2000, le recours à la base nationale de données a permis de résoudre 260 affaires de meurtres, 400 de viols et 2 500 de cambriolages. 3.1.2. L'Amérique du Nord (Etats-Unis et Canada) 3.1.2.1. Les Etats-Unis La technique des empreintes génétiques mise au point par Alec Jeffreys a été utilisée pour la première fois en 1986 dans une affaire jugée par un Tribunal de Pennsylvanie. Son usage s'est rapidement développé, experts et juges ayant immédiatement apprécié l'intérêt qu'elle pouvait présenter pour forger la conviction d'un jury criminel. Cependant, il est tout aussi rapidement apparu que la valeur probatrice de l'analyse d'ADN dépendait très étroitement de la rigueur méthodologique avec laquelle elle était pratiquée, le cas Castro, jugé en 1989, fournissant à cet égard un exemple topique. Dans cette affaire examinée par un Tribunal du Bronx, on avait fait analyser par le laboratoire Life-codes une tâche de sang retrouvée sur la montre du suspect d'un double meurtre. Les experts ayant conclu à l'identité des caractères génétiques fournis par cet indice avec ceux du sang d'une des victimes, les avocats de la défense firent appel à des biologistes de renommée mondiale. Le contre-examen révéla que la concordance des deux empreintes ne pouvait être établie avec certitude, les bandes provenant de l'ADN de la tâche de sang étant légèrement décalées par rapport à celles que fournissait l'ADN de la victime18. L'objectif visé par les autorités américaines dans les années 90 a donc été d'établir des standards de qualité qui permettraient d'éviter de tels événements et dont le respect conditionnerait l'octroi de fonds publics fédéraux aux laboratoires pratiquant l'analyse d'ADN dans un cadre judiciaire. S'est imposée parallèlement la nécessité d'un système informatisé pour rassembler les empreintes génétiques prélevées sur les délinquants et sur les scènes des crimes afin de faciliter à différents niveaux (local, états, fédéral) l'échange d'informations et la coordination des recherches entre les services de police. Cette double démarche a trouvé sa traduction législative dans le DNA Identification Act adopté par le Congrès en 1994. 3.1.2.1.1. L'élaboration des standards de qualité Les premières propositions relatives à de tels standards ont été formulées par le TWGDAM (Technical Working Group on DNA Analyses Methods) créé en 1988 à l'initiative du FBI et composé d'experts et de scientifiques publics et privés. Cet organisme a publié en 1989, 1991 et 1995 une série de directives touchant l'assurance-qualité qui ont servi, de facto, de standards pour l'analyse d'ADN jusqu'en octobre 1998, date à laquelle s'y sont substitués les standards fixés par le DAB (DNA Advisory Board), organisme consultatif institué auprès du FBI par le DNA Identification Act en 1994. En 1989, les commissions compétentes de la Chambre des Représentants et du Sénat procédèrent à des auditions d'experts, de magistrats et de policiers sur l'utilisation de l'ADN pour l'identification des délinquants. L'année suivante, l'Office d'évaluation technologique publiait un rapport (« Le témoin génétique : usages médico-légaux des tests ADN ») qui faisait le point de l'état de l'art et abordait les questions que soulevait l'utilisation des empreintes génétiques (fiabilité, assurance-qualité et protection des libertés individuelles). La communauté des juristes s'accorda pour considérer, à la suite de ce rapport, que les tests d'ADN avaient une incontestable valeur scientifique mais souligna la nécessité de mesures visant à développer davantage encore les standards et l'assurance-qualité. Les recommandations émises en 1992 par le Conseil national de la Recherche et l'Académie des sciences allaient dans le même sens : formalisation du programme d'assurance-qualité, procédures d'agrément et de contrôle, participation à des tests de compétence, financement par l'Institut National de la Justice de programmes de formation et de recherches. Ce travail de réflexion et de proposition a débouché, en 1994, sur le DNA Identification Act qui prévoit l'octroi de subventions aux autorités locales pour mettre en _uvre ou améliorer la pratique des tests ADN dans les laboratoires. L'attribution de ces crédits est subordonnée au strict respect des standards que le Directeur du FBI doit élaborer pour garantir la qualité des analyses et fournir une assistance aux techniciens. Le DNA Advisory Board (DAB) chargé par la loi d'assister le Directeur du FBI dans cette tâche était composé d'experts médico-légaux, de généticiens, d'un représentant du National Institute of Standards and Technology (NIST), du Président du TWGDAM et d'un juge. Le prix Nobel Joshua Ledenberg en était le premier Président. Quatre missions lui ont été assignées : - proposer et, si nécessaire, réviser périodiquement les standards de l'assurance-qualité au nombre desquels figurent les tests de compétence des laboratoires et des experts ; - recommander les standards qui précisent les critères d'assurance-qualité et les tests de compétence applicables aux différents types d'analyse d'ADN (ceci incluant les données statistiques permettant d'évaluer la fréquence des caractères génétiques concordants dans une population) ; - proposer des standards d'acceptation des profils ADN dans le CODIS19 qui prennent en compte les exigences techniques et juridiques ; - élaborer un système de notation pour évaluer le niveau de compétence du laboratoire. Le DAB a distingué deux catégories de standards qui sont entrés respectivement en application en octobre 1998 et mars 1999 : - les premiers concernent les analyses de traces prélevées sur les scènes de crime, - les seconds s'appliquent aux analyses effectuées sur les délinquants et inscrites dans les bases de données. Ces standards couvrent les domaines suivants : - objectifs, - organisation et gestion, - qualification et formation du personnel - équipements - contrôle des prélèvements - validation - méthodes d'analyse - étalonnage et entretien des équipements - tests de compétence - mesures de correction - documentation - bilans - audits - sous-traitance Les standards imposent des audits annuels avec intervention externe tous les deux ans. 3.1.2.1.2. Les banques de données de profils ADN (système CODIS) Le « DNA Identification Act » de 1994 a autorisé le FBI à créer des fichiers pour stocker : - les empreintes génétiques prélevées sur des auteurs de crimes et délits, - les indices biologiques anonymes prélevés sur le lieu des infractions, - les prélèvements effectués sur des restes humains non identifiés. De leur côté, les différents Etats se sont dotés, depuis la fin des années 80, de législations imposant le prélèvement d'échantillons d'ADN sur les auteurs d'agressions sexuelles et autres crimes violents, l'établissement de leur profil et l'enregistrement de ces informations dans une base de données. Les cinquante Etats américains disposent maintenant de bases de données intégrant les empreintes des délinquants sexuels et, pour plus de la moitié d'entre elles, d'autres crimes violents (meurtre, incendie, kidnapping, vol). Le système CODIS (Combined DNA Index System) développé par le FBI depuis 1990, hiérarchise et coordonne l'ensemble de ces données dans une structure à trois niveaux (country level - state level - national level) où coexistent, selon une architecture identique, deux fichiers : ¬ « Convicted Offender Index » : profils ADN d'auteurs d'actes délictueux pour lesquels une condamnation a été prononcée (délits sexuels et autres délits avec violence). Contrairement à la banque de données d'Angleterre et du Pays de Galles, les profils ADN de la banque américaine de données concernent exclusivement des personnes condamnées ; ¬ « Forensic index » : profils ADN de traces biologiques indiciaires relevées sur les lieux des infractions. Le National DNA Index System (NDIS) géré par le FBI constitue l'échelon final du CODIS et centralise les profils ADN transmis par les Etats participant au système. Il leur permet d'échanger des données, d'établir des comparaisons et de coordonner leurs recherches en mettant en commun leurs informations. Le FBI fournit aux laboratoires un logiciel qui peut s'adapter à leurs besoins propres. Il en assure gratuitement l'installation et prend également en charge la formation et l'assistance aux experts sous la condition qu'ils se conforment aux standards nationaux d'assurance-qualité qui imposent notamment l'utilisation de 13 marqueurs génétiques pour la détermination du profil ADN. Cette banque peut donc être considérée comme la plus moderne en ce qui concerne l'établissement du profil ADN à des fins d'identification. Le système CODIS rassemble aujourd'hui 109 laboratoires répartis sur 43 états et le District de Columbia. D'autre part, 43 laboratoires répartis dans 24 états participent au NDIS mis en place depuis octobre 1998. L'efficacité de ce système en réseau dépend en partie de la capacité du laboratoire à analyser tous les prélèvements d'ADN pratiqués sur les individus reconnus coupables. Il apparaît que ce n'est pas toujours le cas, notamment dans les Etats où les prélèvements sont pratiqués rétroactivement sur des détenus ou sur des condamnés bénéficiant d'une mise à l'épreuve ou d'une liberté conditionnelle. D'autre part, lorsque les laboratoires ne disposent pas des moyens suffisants pour analyser toutes les traces relevées sur des scènes de crime, ils donnent la priorité à celles pour lesquelles un suspect a été identifié et est sur le point d'être jugé mais laissent de côté les indices biologiques anonymes. Or, c'est précisément pour résoudre ce type de cas que le système CODIS a été conçu20. Cela étant, le système CODIS rassemble actuellement plus de 260 000 fiches et a permis, depuis sa création, d'établir 400 concordances mais aussi de disculper 77 condamnés, dont 8 à la peine capitale. Le cas le plus récent est celui de Earl Washington, libéré le 12 février 2001 après neuf années passées dans le couloir de la mort : il avait avoué en 1982 le viol et le meurtre d'une jeune femme et avait été condamné à la peine capitale bien qu'aucune preuve matérielle n'ait pu être retenue contre lui. Dans les Etats de Californie, de New-York, de l'Illinois et, prochainement, de l'Ohio, les condamnés à mort ont désormais la possibilité d'exiger des autorités judiciaires un test génétique de la dernière chance destiné à prouver leur culpabilité ou leur innocence. La récente mise en place de cette mesure dans l'Illinois a réservé quelques surprises : cet Etat a dû déclarer un moratoire sur la peine de mort, plusieurs analyses d'ADN ayant fait douter de la culpabilité de détenus. Une expérimentation de « l'appel ADN » vient de débuter dans l'Ohio où 201 prisonniers attendent dans le couloir de la mort21. 3.1.2.2. Le Canada La loi sur l'identification par les empreintes génétiques promulguée le 30 juin 2000 a prévu la création d'une banque nationale de données génétiques qui sera administrée par la gendarmerie royale du Canada. Elle vient compléter la stratégie législative du Gouvernement fédéral en matière d'identification par l'ADN qui avait débuté en juillet 1995 par la modification du Code criminel afin d'habiliter les juges à décerner des mandats autorisant le prélèvement d'échantillons de substances corporelles sur des suspects. La banque nationale de données génétiques contiendra des profils génétiques provenant de contrevenants condamnés pour des infractions graves. Le Code criminel distingue les infractions primaires pour lesquels le prélèvement sera automatique (crimes sexuels, meurtres, enlèvements, agressions à main armée...) et les infractions secondaires qui pourront justifier un prélèvement si le procureur l'estime nécessaire dans l'intérêt de la sécurité publique. D'autre part, un fichier de criminalistique conservera les profils génétiques recueillis sur les lieux de crimes non résolus. Les renseignements se recouperont afin de jumeler les profils correspondants dans le système, ce qui permettra d'identifier les récidivistes. La banque aidera à établir des liens entre les divers secteurs de compétence de la police et à faciliter ainsi la résolution des cas. Le Canada a repris ici le système CODIS et, par conséquent, le système des 13 marqueurs génétiques imposés par le FBI. Vingt-huit mille échantillons biologiques devraient être recueillis pendant la première année suivant la création de la banque. Les profils génétiques et les prélèvements de substances corporelles seront conservés dans la banque de données pendant une période indéterminée, ce qui permettra de traiter les données selon les nouvelles technologies sans devoir obtenir de nouveaux échantillons, si les analyses initiales devenaient désuètes. La loi prévoit la destruction des échantillons en cas d'annulation de la déclaration de culpabilité et, après un certain temps, dans les cas d'absolution inconditionnelle et d'absolution sous condition. Des échantillons peuvent être prélevés sur des délinquants condamnés avant l'entrée en vigueur de la loi, s'agissant soit de « délinquants dangereux » aux termes du Code criminel, soit de délinquants sexuels condamnés à deux ans minimum d'emprisonnement, soit de coupables de plus d'un meurtre. Environ 2 100 délinquants répondent à ces critères (250 délinquants dangereux, 1 690 délinquants sexuels et 130 tueurs en série). Les coûts initiaux, assumés par la gendarmerie royale du Canada, s'élèveraient à 10,6 millions de dollars. L'exploitation de la banque de données coûtera environ 5 millions de dollars par an. Le Gouvernement fédéral paiera les coûts opérationnels de la banque mais les provinces et territoires ont conclu des ententes de partage de coût avec le Gouvernement. Par ailleurs, la loi autorise le Canada à échanger des renseignements sur des profils d'identification génétique avec des pays étrangers à des fins d'enquête et de poursuites criminelles, pourvu qu'une entente ait été conclue. 3.2. Les autres pays européens Dès 1992, l'Espagne s'est dotée d'une banque de données qui ne centralise que l'analyse des traces biologiques indiciaires à l'exclusion des profils génétiques des condamnés. De 1994 à 2000, six autres pays ont, suivant l'exemple anglais, adopté, à titre expérimental ou définitif, une législation permettant la création de fichiers informatisés qui centralisent, d'une part, les profils génétiques des traces non résolues, d'autre part, ceux des personnes condamnées pour des infractions d'une certaine gravité. De façon générale, les prélèvements peuvent être pratiqués sans l'accord de la personne concernée et les marqueurs utilisés pour les analyses sont ceux qu'ont mis au point les laboratoires de la police anglaise. 3.2.1. Pays-Bas La législation hollandaise a été modifiée en 1994 afin de développer l'utilisation des empreintes génétiques en matière criminelle et de créer une base de données. Les prélèvements corporels peuvent être imposés par le juge pour des délits passibles de quatre ans d'emprisonnement. Le prélèvement ne peut être pratiqué que si des charges sérieuses pèsent sur la personne suspectée. Le procureur peut ordonner l'analyse d'une trace indiciaire en cas de crime ans suspect identifié et la confronter avec des données personnelles et anonymes conservées dans la base. L'analyse est pratiquée à partir des sept marqueurs inclus dans le « second generation multiplex » mis au point par la police anglaise. La base créée en 1997 conserve : - le profil des suspects et condamnés pendant 30 ans ; - les traces biologiques anonymes pendant 18 ans ; - l'analyse des restes humains non identifiés. Le fichier est désormais organisé sur la base du logiciel CODIS établi par le FBI. 3.2.2. Autriche Après la mise en place d'un projet pilote en 1997, sur la base de la loi sur la police et la sécurité, une loi spécifique mise en vigueur le 1er septembre 1999 a fixé les règles concernant le fichier national automatisé d'empreintes génétiques. La base centralise : - les empreintes des personnes suspectées ou condamnées pour des délits graves (incluant le cambriolage), - les traces biologiques recueillies sur les scènes de crime lorsqu'aucun suspect n'a pu être identifié ou lorsqu'il n'y a pas coïncidence entre traces et prélèvements effectuées sur un suspect. L'analyse est effectuée à l'aide du multiplex anglais (sept marqueurs) et la base est accessible pour des comparaisons internationales. Le laboratoire central chargé des analyses ne détient pas de données personnelles. Il transmet les profils par liaison informatique protégée, avec identification par code barre, au Ministère de l'Intérieur. Une séparation stricte est ainsi opérée entre le matériel biologique et les données personnelles. En cas de concordance, un second échantillon buccal est analysé. Fin 1999, plus de 20 000 échantillons corporels et 3 000 traces biologiques avaient été analysés, permettant de rattacher 300 suspects à des scènes de crime et 380 scènes de crimes à des suspects (dont 4 meurtres, 22 viols et 300 cambriolages). 3.2.3. Allemagne Dès 1990, la Cour Constitutionnelle a admis l'analyse d'ADN comme preuve en matière criminelle tout en limitant son application aux zones non codantes du génome. Des modifications ont été apportées, en mars 1997, à la procédure judiciaire pour réglementer l'usage de l'analyse génétique en matière criminelle : - la décision ne peut être prise que par un juge qui désigne l'expert chargé de l'analyse ; - les échantillons prélevés sur un suspect ou un témoin ne peuvent être utilisés comme éléments de preuve que dans l'affaire à propos de laquelle ils ont été recueillis et doivent être détruits après utilisation ; - les prélèvements doivent être transmis à l'expert de façon anonyme ; - le laboratoire chargé de l'analyse doit être rigoureusement indépendant de la structure policière chargée de l'enquête. La base de données dont la création a été autorisée par la même loi a été installée au Bureau fédéral d'enquêtes criminelles (BKA) de Wiesbaden en avril 1998. Elle centralise toutes les traces indiciaires, ainsi que les analyses des profils des suspects et des condamnés. Cinq loci ont été retenus en fonction de leur pouvoir hautement discriminant sur la base des propositions formulées par les groupes de travail sur l'ADN de l'ENFSI22 et d'Interpol. Des places ont été laissées vacantes dans la base afin de permettre l'inclusion de loci supplémentaires dans la perspective d'une harmonisation européenne. Ce système a été validé en janvier 2001 par la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe qui a estimé qu'il ne portait pas atteinte au « c_ur de la personnalité » d'un individu dès lors que ne sont pas stockées des informations portant sur le caractère, l'héritage génétique ou les maladies. L'ADN ne doit servir qu'à des fins d'identification et doit être détruit après isolement de l'empreinte génétique. 3.2.4. Belgique Les règles fixant l'usage des empreintes génétiques en matière judiciaire résultent de la loi du 20 mai 1999 qui a posé les principes suivants : - l'empreinte génétique doit être obtenue à partir d'ADN non codant ; - l'analyse doit être effectuée par un expert rattaché à un laboratoire agréé ; - le juge d'instruction peut contraindre un suspect à se soumettre à un prélèvement si de fortes présomptions pèsent sur lui, si l'infraction est punissable d'au moins cinq ans d'emprisonnement et si une trace indiciaire a été recueillie. Toutefois, le consentement est obligatoire en cas de prélèvement sanguin pratiqué par un médecin ; - le suspect peut demander une contre-expertise dans les quinze jours qui suivent les résultats de la première analyse. Elle est effectuée à partir d'un nouveau prélèvement et, si possible, d'une partie non encore utilisée de la trace indiciaire ; - à défaut de contre-expertise ou après communication de ses résultats, l'échantillon doit être détruit. La base de données est gérée par l'Institut national de criminologie. Elle contient : - les traces indiciaires anonymes qui sont conservées trente ans (les traces identifiées étant détruites après clôture de l'affaire) ; - les empreintes des condamnés pour des crimes graves (agressions sexuelles, meurtres...). Ces données sont conservées de façon anonyme avec un identifiant, ne peuvent être consultées que par un magistrat et sont détruites 10 ans après le décès du condamné. La base ne conserve pas les empreintes de suspects. 3.2.5. Finlande La base de données créée le 1er septembre 1999 conserve les empreintes des personnes soupçonnées ou reconnues coupables d'une infraction punissable, au minimum, d'un an de prison. 3.2.6. Suisse Depuis le 1er juillet 2000 et jusqu'à la fin 2004, la confédération helvétique exploite, à titre d'essai, un système d'information fondé sur les profils d'ADN, sur la base de l'ordonnance du 31 mai 2000. Ce texte ne règle pas seulement le traitement des profils génétiques dans le système d'information ; il prévoit également l'ensemble de la procédure à suivre depuis le prélèvement des échantillons jusqu'à leur analyse ou jusqu'à l'effacement des profils. L'analyse de l'ADN peut être utilisée, sans limitation, pour élucider un crime ou un délit. Les profils des personnes soupçonnées de même que ceux de personnes condamnées à une peine privative de liberté sont saisis dans le système d'information. Ils sont effacés en cas de suspension de la procédure ou d'acquittement. S'il y a condamnation, les personnes concernées peuvent faire valoir un droit à l'effacement de leur profil d'ADN à l'échéance de délais déterminés. Ces délais sont fixés par analogie à ceux applicables dans le cadre du service automatique d'identification des empreintes digitales (AFIS). Afin d'assurer la protection des données, les profils sont rendus anonymes et traités séparément des autres données personnelles (dont celles relatives à l'identité des intéressés). Le lien entre les profils d'ADN et les autres données personnelles, figurant dans un système d'information distinct, est effectué à l'aide d'un numéro de contrôle de processus. Seul le service AFIS de l'Office fédéral de la police, responsable de l'ensemble, est habilité à y procéder
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