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La fiabilité des systèmes

Comme le souligne très justement un expert, « la cohérence de la chaîne de la police technique et scientifique suppose une continuité sans rupture du prélèvement de l'indice à son exploitation en laboratoire. Elle implique une formation poussée des techniciens en identification criminelle, premiers gestionnaires de la scène de crime ; elle oblige à un respect permanent des règles de procédure et de protection des indices par les enquêteurs et magistrats, et elle nécessite des laboratoires compétents. Cette chaîne est une constante du panel que sont les « sciences forensiques » dont les tests génétiques ne sont que le maillon le plus récent23 ».

La rigueur qui doit s'imposer dans le recueil des éléments biologiques, leur conservation et les méthodes d'analyse conditionnent assurément, au premier chef, la fiabilité des empreintes génétiques en matière judiciaire. D'autres maillons faibles peuvent exister touchant, par exemple, la sécurisation des laboratoires et des bases de données, l'interprétation des résultats et la transmission des informations, ce dernier point revêtant une importance particulière dans la perspective d'un fichier centralisant un nombre croissant de profils d'ADN.

D'autre part, la standardisation des techniques (marqueurs génétiques et méthodes statistiques) comme celle des procédures (accréditation des laboratoires, qualification des personnels et contrôles de qualité) est d'une urgente nécessité pour la mise en _uvre d'une coopération judiciaire efficace aux plans européen et international.

4.1. Les prélèvements

4.1.1. Le recueil des échantillons de matériel biologique

Deux domaines doivent être distingués :

4.1.1.1. Les prélèvements de traces indiciaires sur les scènes de crime

Un problème général doit être ici mis en évidence, qui concerne, par delà les empreintes génétiques, la constatation et le prélèvement de tous les indices matériels : l'indispensable protection de la scène de crime. Comme nous l'a indiqué Jean-Baptiste PARLOS, une proportion importante d'affaires ne trouve pas de conclusion judiciaire parce que la scène de crime a été bouleversée par l'intervention de la police de proximité avant l'arrivée des enquêteurs spécialisés. Certaines empreintes ne peuvent être désincriminées faute d'une identification précise des fonctionnaires qui se sont trouvés présents sur les lieux au moment des premières constatations. Les règles élémentaires relatives au gel des lieux devraient donc être enseignées, non seulement aux techniciens des brigades criminelles mais à tous les policiers susceptibles d'être confrontés à ce type de situation.

S'agissant des techniques de prélèvement, elles doivent prémunir contre tout risque de contamination, soit d'une trace par une autre, soit d'une trace par l'ADN d'un enquêteur (tenues de protection, gants jetables, matériel stérilisé).

4.1.1.2. Les prélèvements corporels

Opérés sur un suspect dans le cadre de l'instruction (ou sur un condamné définitif pour l'alimentation du fichier), ils peuvent être de deux types :

- le prélèvement sanguin doit être pratiqué par un médecin. Il rend plus malaisé l'obtention du consentement et présente des inconvénients techniques pour l'analyse, l'hémoglobine étant un inhibiteur de la polymérase,

- le prélèvement buccal qui peut être pratiqué par les officiers et agents de police judiciaire24 est facilité par l'utilisation de kits fournis par les laboratoires et ne soulève pas de problème technique particulier. Il est aujourd'hui privilégié mais l'on verra plus loin que d'autres méthodes facilitant le stockage et la conservation des échantillons sont à l'étude au service central de préservation des prélèvements biologiques.

4.1.2. Conservation, mise sous scellés et transmission

Les traces indiciaires doivent être conditionnées de façon à être tenues à l'abri de la lumière, de la chaleur et de l'humidité. Quant aux prélèvements corporels, ils doivent être réfrigérés à + 4°, voire congelés à - 20 ° pour une durée plus longue.

La mise sous scellés doit se faire conformément aux normes de procédure applicables aux éléments de preuve, sous la responsabilité d'un officier de police judiciaire. Plusieurs problèmes se posent à cet égard :

- la dimension du scellé : par mesure de précaution, les techniciens en identification matérielle transmettent parfois aux laboratoires des éléments matériels de grande taille (fauteuil, tapis),

- la technique du scellé : les procédés traditionnels (apposition d'un sceau) ne sont pas nécessairement adaptés à la matérialité des échantillons biologiques,

- la conservation des scellés : l'article 166 du Code de procédure pénale dispose que les scellés sont déposés entre les mains du greffier de la juridiction qui a ordonné l'expertise. Ce texte est impossible à appliquer strictement car les greffes judiciaires sont dans l'incapacité de garder les prélèvements biologiques à une température de - 20 °. En pratique, cette conservation étant indispensable en vue d'éventuels compléments d'enquête et contre -expertises, les laboratoires sont actuellement érigés en gardien des scellés mais, le plus souvent, sans condition de durée25.

Ce dernier problème pourra trouver une solution -partielle- avec la mise en place du service central de préservation des prélèvements biologiques sur laquelle on reviendra ci-après.

4.1.3. La formation des techniciens en identification criminelle

Pour assurer le respect des règles qui conditionnent la fiabilité des prélèvements, il est nécessaire de disposer de techniciens formés très précisément à cette fonction, s'agissant surtout du travail effectué sur les scènes de crime.

Des actions de formation ont été développées :

- par la Police nationale qui a créé, en 1988, des postes locaux de police technique et scientifique et dispense une formation élémentaire pour les actes simples de signalisation des personnes mises en cause et de recherches de traces et indices,

- par la Gendarmerie nationale qui a mis en place, au centre national de Fontainebleau, une formation de techniciens en identification criminelle ; un stage de six semaines permet à des généralistes de la police technique de sortir de ce centre avec une qualification reconnue par les textes légaux.

Sans doute conviendrait-il de poursuivre cette politique en instaurant une formation plus spécifique sur les empreintes génétiques, sujette à révisions périodiques. Pourquoi, d'autre part, ne pas créer, comme le suggère un expert, une norme « Iso » pour l'investigation criminelle ? « Ce contrôle de qualité passerait par une vérification de la formation des techniciens possédant un niveau minimum requis en biologie médico-légale. Ceci impliquerait une vérification des connaissances, un protocole de prélèvement strict, le respect des méthodes de conditionnement, d'inventaire, de conservation, de transport, de gestion et de confection des scellés »26.

4.2. Les analyses

4.2.1. L'uniformisation des techniques

Si, comme on l'a précédemment indiqué27, le recours à la Polymerase Chain Reaction s'est progressivement imposé comme méthode d'analyse dans le domaine pénal, des différences subsistaient entre laboratoires quant au nombre et à la nature des segments d'ADN (loci) sur lesquels portait l'analyse.

La décision prise par le législateur en 1998 de créer un fichier national automatisé des empreintes génétiques rendait indispensable une uniformisation des techniques. C'est chose faite depuis la publication de l'arrêté du 18 juin 2000. Il n'est pas inutile d'indiquer les critères qui ont été pris en compte pour le choix de ces loci puisqu'ils visent précisément à garantir la fiabilité des résultats :

- la capacité de discrimination entre individus : elle requiert des loci multi-alléliques dont la fréquence de chacun des allèles est équilibrée, de sorte qu'un seul allèle ne soit pas dominant dans la population,

- l'existence d'une banque de données sur la population de référence permettant d'estimer la fréquence du génotype,

- la validation par des études de sensibilité, de spécificité, de faisabilité sur cas réels, de fiabilité et de reproductivité ; la sensibilité du test doit notamment faire l'objet d'une évaluation précise, car les situations rencontrées en génotypage médico-légal concernent souvent des micro-prélèvements et/ou des prélèvements dégradés ; de même, la spécificité du marqueur, c'est-à-dire l'absence de réaction croisée avec de l'ADN de la faune, de la flore ou de micro-organismes doit être démontrée.

D'autres qualités sont spécifiquement requises pour la mise en _uvre de l'amplification génique multiplexe :

- la possibilité d'analyser simultanément les différents loci : ce critère suppose la mise au point de conditions de PCR qui permettent une coamplification en une seule expérience et en un seul tube à essai,

- la définition pour chaque locus d'une gamme de taille d'allèles compatible avec une PCR qui n'amplifie efficacement que des fragments d'ADN de taille modérée : cette exigence est d'autant plus importante que l'un des intérêts de la PCR est de pouvoir explorer des échantillons dont l'ADN est particulièrement dégradé,

- l'absence de liens génétiques entre les loci qui se retrouvent associés dans un génotypage multiplexe, sans quoi un risque de déséquilibre de liaison entre certains allèles appauvrirait l'informativité de l'ensemble. Les loci choisis et utilisés actuellement dans les kits commerciaux sont complètement indépendants les uns des autres puisque situés sur des chromosomes différents,

- le caractère discernable les uns des autres des loci du système multiplexe : cette condition est réalisée grâce à l'utilisation de fluorochromes qui permettent de séparer par la longueur d'onde émise, c'est-à-dire par la couleur, les loci définissant une gamme chevauchante de taille des allèles.

Si tous ces critères doivent être respectés, ils ne sont pas toujours facilement conciliables les uns avec les autres. Pour les marqueurs couramment utilisés, notamment dans les kits commerciaux, un compromis a été trouvé, permettant une facilité d'utilisation, une reproductibilité, une fiabilité et une information suffisante de l'ensemble même si, par exemple, l'informativité de chacun des loci pris individuellement n'est pas toujours excellente.

Une considération éthique, touchant la limitation de l'investigation au génome non codant a, par ailleurs, été prise en compte : les loci retenus ne devaient pas fournir des informations sur un éventuel trait génétique étranger à l'objectif d'identification poursuivi, telle que la mise en évidence de maladies génétiques.

Enfin, comme le note, dans son rapport préparatoire, la Commission d'agrément instituée par le Décret du 6 février 1997 « on ne peut pas exclure que, dans l'avenir, un marqueur définisse un allèle spécifique d'une ethnie. Ce n'est pas le cas avec les marqueurs actuels et sur les populations disposant actuellement d'une banque de données. Cependant, l'intérêt d'une telle information est discutable d'un point de vue éthique.

« En effet, elle peut révéler qu'un individu a une origine ethnique particulière, origine parfois lointaine d'un point de vue généalogique. Pour éviter toute utilisation détournée de cette information, il semble préférable de ne pas l'intégrer à un fichier, et, par conséquent, de ne pas utiliser le marqueur qui la fournit ».

Tenant compte par ailleurs des recommandations internationales que nous évoquerons plus loin, l'arrêté du 18 juin 2000 a fixé comme suit la liste des sept loci utilisables :

- D21S11 (chromosome n° 21)

- VWA (chromosome n° 12)

- TH01 (chromosome n° 11)

- FGA (chromosome n° 4)

- D8S1179 (chromosome n° 8)

- D3S1358 (chromosome n° 3)

- D18S51 (chromosome n° 18)

Les analyses portent également sur le gène de l'amélogénine, marqueur spécifique du sexe.

Selon le rapport précité de la commission, cet ensemble de loci mis en _uvre selon la méthode STR (Short Tandem Repeats) satisfait aux critères précédemment énoncés.

Ils présentent en particulier une capacité de discrimination suffisante du fait du polymorphisme des loci. Ainsi cette capacité est-elle de l'ordre de 1 X 10-9 au sein de la population caucasienne qui, du point de vue de la génétique des populations, comprend les différentes populations européennes. En d'autres termes, les chances de voir deux individus non apparentés présenter le même profil sont de l'ordre d'une sur un milliard.

La mise en _uvre des investigations sur un tel ensemble de loci permet par ailleurs de fournir des réponses dans un délai inférieur à 48 heures.

En outre, l'ADN dont ces loci impliquent l'étude est un ADN à structure répétitive dont la caractère non codant satisfait aux recommandations exprimées par la résolution du Conseil de l'Union Européenne du 9 juin 1997.

La Commission a d'ailleurs pu constater, à l'occasion des contrôles de qualité qu'elle a été chargée de mettre en _uvre à partir de 1998, que la plupart des experts français agréés utilisaient d'ores et déjà ces loci.

4.2.2. Les laboratoires : de l'agrément à l'assurance qualité

4.2.2.1. L'application des textes relatifs à l'agrément et au contrôle de qualité

Comme on l'a indiqué précédemment, les conditions d'obtention de l'agrément sont relatives, d'une part à la compétence et à l'expérience des experts, d'autre part à l'équipement du laboratoire.

¬ Nombre et activité des experts

A la fin de l'année 2000, les missions d'identification étaient assurées par 22 experts rattachés à 13 laboratoires dont les statuts peuvent être classés en trois catégories :

- laboratoires de police scientifique (5) et de l'Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie (1),

- laboratoires publics rattachés à un centre hospitalier (3) ou à un établissement de transfusion sanguine (2),

- laboratoires privés (2).

Le nombre de missions assurées par ces experts, dont on trouvera le détail en annexe, s'élève, pour l'année 2000 à 7489, dont 6360 pour les identifications pénales et 1129 pour les identifications civiles qui sont principalement réalisées par les établissements de transfusion sanguine.

Ces chiffres correspondent à des missions qui prennent la forme, soit d'une expertise proprement dite dans le domaine civil ou pénal, soit d'examens techniques ou scientifiques au sens des articles 60 et 77-1 du Code de procédure pénale.

Il faut noter que chaque mission est susceptible de comporter une ou plusieurs analyses d'échantillons, le nombre d'analyses d'identification étant en moyenne de trois en matière de recherche civile de paternité et pouvant aller de deux à un nombre indéterminé, parfois très élevé, lors d'une mission pénale. Sous réserve de correctifs que ces pratiques conduisent à apporter aux statistiques globales, il convient néanmoins de souligner la progression très sensible du nombre des expertises qui est appelée à se poursuivre compte tenu de la propension de magistrats à recourir de plus en plus systématiquement à ce moyen d'investigation et de preuve.

¬ Les contrôles de qualité

Ils sont mis en _uvre, deux fois par an, par l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS).

Ils s'efforcent, en variant et en graduant la nature des difficultés techniques mises en jeu, s'agissant, notamment, des supports de prélèvement utilisés ou des particularités génétiques des échantillons proposés, de simuler les conditions de réalisation des missions judiciaires d'identification.

A titre d'exemple, il a été demandé aux experts de comparer des échantillons biologiques correspondant à des tâches de sang humain avec l'ADN susceptible d'être extrait d'un timbre poste, de procéder à des comparaisons d'ADN dans le cadre de simulation d'un test de paternité alors que, soit le génome du père est affecté d'une néomutation non transmise à l'enfant, soit les deux pères putatifs sont étroitement apparentés ou présentent des génomes très similaires.

Lors de chaque contrôle, l'AFSSAPS communique à chaque personne physique titulaire de l'agrément des questions simulant un ensemble d'échantillons biologiques correspondant, soit à des prélèvements biologiques dont l'ADN est à extraire, soit à de l'ADN humain d'ores et déjà extrait.

Pour les experts, le contrôle de qualité a une valeur pédagogique importante : il leur permet en effet de mesurer le degré de sécurisation des protocoles qu'ils mettent en _uvre, d'être confrontés à certaines difficultés techniques spécifiques à l'utilisation des appareils et des réactifs de laboratoire propres à leur plateau technique et d'accroître les mesures d'assurance qualité qu'il leur incombe de prendre.

Selon les informations communiquées par la Commission d'agrément, celle-ci n'a pas été confrontée à ce jour à des erreurs des experts impliquant que ceux-ci donnent une réponse erronée à la question de nature pénale ou civile faisant l'objet de la mission judiciaire simulée par le test.

Toutefois, elle a relevé un certain nombre de discordances de résultats dans la détermination des allèles correspondant à l'analyse du génotype de certains des échantillons sur lesquels portent les investigations.

La Commission s'attache à distinguer dans de tels cas, avec l'aide de documents techniques qu'elle demande aux experts concernés, de communiquer (électrophorégrammes) les erreurs de transcription (par exemple, lors d'un recopiage manuel des résultats), des erreurs de caractère technique et scientifique (par exemple, une inexactitude de détermination d'un allèle due à une erreur de quantification de l'ADN introduit dans l'appareil de séquençage utilisé ou à une éventuelle contamination qui n'aurait pas été repérée par l'expert).

Toute erreur ou inexactitude commise est signalée à l'expert. Une lettre lui est adressée le cas échéant par la Commission pour provoquer ses observations et pour l'inviter à prendre telle mesure corrective ou à mieux veiller à l'application de celle-ci à l'avenir.

Quatre préconisations ont été formulées, à l'occasion des débats sur les contrôles de qualité, par la commission :

- l'exigence d'un génotypage complet par l'expert de l'ensemble des échantillons biologiques qui lui sont remis lors des contrôles de qualité, cette expérience permettant à la Commission de s'assurer qu'au-delà d'une réponse au test conforme à la réponse attendue, l'expert n'a commis aucune erreur de détermination d'allèle dans les profils génétiques établis,

- la recherche par l'expert d'un mode cohérent et harmonisé d'expression de la probabilité de certitude qu'offre la réponse civile ou pénale qu'il apporte. Ceci renvoie aux modalités d'évaluation de la preuve auxquelles on consacre ci-après quelques développements28,

- l'utilisation par les experts de logiciels d'attribution des résultats permettant de définir les allèles inclus dans un électrophorégramme, ce, afin d'éviter certaines erreurs d'interprétation dans la détermination de ceux-ci,

- l'application, par les experts, aux dossiers de contrôle de qualité d'un traitement et de protocoles en tous points semblables à ceux des autres dossiers de nature médico-légale. Plus généralement, l'attention des experts est attiré sur l'importance, au sein d'un laboratoire réalisant des missions d'empreintes génétiques, des mesures prises par le responsable de l'assurance qualité.

Ce dernier point mérite qu'on s'y arrête quelques instants compte tenu des disparités régnant actuellement entre les laboratoires en un domaine où il paraît indispensable d'introduire certaines normalisations.

4.2.2.2. La nécessaire mise en place d'un système d'assurance qualité

La démarche d'assurance qualité consiste à organiser une prévention méthodique et systématique des causes de non qualité en introduisant, à tous les stades, des procédures rigoureuses de travail et en imposant une vérification périodique de l'application de ces procédures sous la forme d'audits-qualité internes et externes. S'agissant des laboratoires d'analyses génétiques, ces audits doivent porter, d'une part, sur l'organisation et le management des unités d'analyses, d'autre part sur la mise en _uvre des méthodes.

Rigoureuse -mais non rigide- l'assurance qualité doit permettre, dans un cadre défini et reconnu par tous, de responsabiliser chacun dans son poste ou sa fonction. Dans le cas particulier qui nous occupe, la soumission des experts à des normes de qualité apporte aux juges la certitude que le laboratoire opère de manière professionnelle avec des contrôles garantissant la fiabilité et la reproductibilité des résultats. Le magistrat doit rester libre du choix de l'expert auquel il confie une mission d'identification mais, dépourvu de compétence scientifique, il doit pouvoir lui faire confiance sur la base de critères objectifs établis et utilisés par un organisme indépendant. Pour autant, comme l'a observé un de nos interlocuteurs29, un formalisme excessif ne doit pas conduire à faire du contrôle technique un élément de régularité de la procédure, ni à mettre en cause la compétence de l'organisme qui a délivré la certification pour en contester la validité. Il ne s'agit pas de tomber dans « l'expertise de l'expertise » mais de vérifier que l'analyse a été menée par un expert qui se soumet effectivement à un contrôle de qualité.

L'assurance qualité implique une certification par tierce partie. En France, le principal organisme est l'Association Française pour l'Assurance de la Qualité (AFAQ) qui mandate des auditeurs indépendants, qualifiés par l'Institut de Certification des Auditeurs (ICA) afin de juger de la conformité du système de qualité au référentiel choisi.

La certification est obtenue pour une durée de 3 ans au-delà de laquelle elle devra être renouvelée après un nouvel audit complet. Durant toute la période de validité, l'entreprise sera suivie par un audit annuel partiel. La certification est donc une démarche dynamique, évolutive et constamment remise en cause.

Cette démarche s'est imposée très rapidement dans les pays anglo-saxons (standards du DNA Advisory Board aux Etats-Unis, National Association for Measurment and Standardisation en Angleterre)30.

En France, dans l'attente d'un référentiel commun qui s'appliquera à tous les pays européens (et qui pourrait être la norme ISO/CEI 17025), l'engagement des laboratoires dans une véritable procédure d'assurance qualité reste encore limité -s'agissant tout au moins des organismes à statut public- comme nous avons pu le constater lors de nos déplacements.

- Dans les laboratoires publics, la présence d'un responsable qualité s'est imposée, à une date plus ou moins ancienne, comme une exigence minimale. Sans nous autoriser ici à établir un classement qui ne relève pas de notre compétence, on peut souligner qu'un effort particulier a été accompli par l'Institut de recherches criminelles de la Gendarmerie nationale qui a créé une telle cellule dès 1994 sous l'autorité du Sous-Directeur scientifique. Locaux, matériels et scellés font l'objet d'un contrôle rigoureux et l'aménagement prochain des nouveaux bâtiments tiendra compte des normes européennes pour la séparation de l'ADN nucléaire et de l'ADN mitochondrial, d'une part, des prélèvements de traces et des prélèvements sur personnes, d'autre part. Les laboratoires de police scientifique ont désigné également des responsables qualité et sont inscrits à la société de contrôle américaine CTS Corporation. Cependant, il n'y a, en aucun cas, de soumission à des audits externes.

- La situation est toute différente dans l'un des établissements privés participant actuellement aux missions d'identification génétique qui est le laboratoire d'hématologie médico-légale dirigé à Bordeaux par le Professeur DOUTREMEPUICH.

Ce laboratoire s'est en effet soumis à la norme internationale de qualité ISO 9002, définie par un référentiel de dix neuf chapitres dans sa version de 1994. Le laboratoire doit construire son propre système, la norme ne servant que de guide obligatoire. Trois axes sont imposés :

- Toutes les procédures et tous les protocoles sont écrits et référencés
Les protocoles d'analyses sont écrits et validés par les responsables. Ils ne peuvent être modifiés et doivent être suivis très rigoureusement. Ce suivi est assuré par les enregistrements relatifs à la qualité qui sont les traces écrites ou informatiques attestant qu'une activité a été accomplie conformément à un document. De plus, toute l'organisation du laboratoire est également écrite et décrite dans ses moindres détails.

Deux manuels rassemblent ces données : le manuel d'assurance qualité et les instructions de travail propres à chacun des départements du laboratoire.

- La chaîne de manipulations est intégralement contrôlée depuis l'arrivée des réactifs nécessaires aux analyses jusqu'au rendu du résultat :

- contrôle des réactifs (établissement d'un certificat de contrôle),

- contrôle des appareils de mesure et de leur maintenance par le laboratoire tous les trois mois et par des sociétés extérieures (APAVE) tous les ans,

- contrôle des analyses par l'emploi de contrôles négatifs (absence d'ADN) et de contrôles positifs (présence d'un ADN connu).

Sur 1000 analyses environ, 250 sont des contrôles.

De plus, un responsable qualité valide, pour chaque dossier traité, l'ensemble de la procédure suivie et l'adéquation des résultats des différents contrôles.

Enfin, l'application du référentiel (ISO 9002) est contrôlée régulièrement, tous les trois mois par un audit externe réalisé par un auditeur qualiticien certifié IFA, tous les ans par un audit AFAQ. Chaque audit peut donner lieu à des remarques voire à des constats de non conformité.

- Rien ne peut pénétrer dans l'enceinte du laboratoire sans avoir été validé.

Tout nouvel appareil, toute nouvelle analyse doivent démontrer leur intérêt et leurs qualités. Trois mois de délai sont ainsi imposés, après son achat, à la mise en service d'un nouveau type de séquenceur. De même, un technicien nouvellement recruté doit démontrer, au cours d'une procédure de validation de trois à quatre mois, son aptitude à exécuter une analyse donnée. De plus, chaque employé du laboratoire doit bénéficier d'une formation régulière et continue.

La mise en place de ce système de qualité sera complétée dans l'avenir par l'emploi d'une accréditation ISO 17025 qui est spécifique aux laboratoires.

L'emploi de ces normes entraîne non seulement un coût direct (mise en _uvre des audits) mais aussi un coût indirect important : la prévention des contaminations a nécessité la création d'une chaîne de treize unités séparées alors qu'en 1991, l'analyse d'ADN était réalisée par un seul laboratoire.

La soumission à l'assurance qualité représente donc, pour les laboratoires privés une charge financière qui se répercute inévitablement sur le coût des analyses. Elle n'en constitue pas moins une nécessité pour garantir la fiabilité des analyses et il nous paraît souhaitable de la généraliser à l'ensemble des organismes agréés, d'autant que l'application de normes et de standards communs s'avérera indispensable dans le cadre de la coopération européenne.

L'Assemblée Nationale vient d'adopter, dans le cadre du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne, un amendement gouvernemental créant un Institut national de police scientifique regroupant l'ensemble des laboratoires. Cet établissement public est assisté d'un conseil scientifique dont l'une des premières tâches pourrait être, nous semble-t-il, de réfléchir à la généralisation rapide de cette démarche d'assurance qualité.

4.3. L'interprétation des résultats et l'utilisation des probabilités

On a précédemment indiqué qu'en cas de concordance entre une trace indiciaire inconnue et le profil génétique d'un suspect, l'expert a recours, pour évaluer la probabilité d'une coïncidence fortuite, à une base de données, établie au moyen d'une étude préliminaire de population, afin de connaître la fréquence d'apparition de chaque allèle dans la population générale.

Dans sa présentation, l'expert se limite le plus souvent à la seule partie analytique de l'expertise : il se contente de comparer les caractéristiques des traces retrouvées avec celles d'un suspect et de présenter la valeur de la fréquence de ces caractéristiques dans une population de référence. Ainsi indiquera-t-il, par exemple, que la fréquence d'apparition d'une trace concordante avec le profil du suspect est de 1 personne sur 10 millions.

Depuis plusieurs années, une abondante littérature scientifique estime que cette façon chiffrée de présenter la valeur de la preuve génétique doit être modifiée car elle ne permet pas véritablement aux juges de connaître la force probante du lien analytique établi entre la trace et le suspect.

Des procédures appropriées d'interprétation devraient donc, selon ces auteurs, être proposées et appliquées afin de faciliter la communication entre les mondes juridique et scientifique et d'éviter les pièges dus à l'intuition.

Sans entrer ici dans le détail des théories probabilistes, on s'en tiendra à quelques indications générales, renvoyant pour une présentation approfondie à la note que nous ont communiquée les professeurs Patrice MANGIN et Franco TARONI (cf. annexe n° 3).

Un consensus s'est établi depuis la fin des années 60 dans la communauté scientifique concernant une présentation de la preuve par l'ADN qui prémunisse contre ces erreurs d'interprétation. La solution réside dans l'application d'un modèle probabiliste, le théorème de Bayes et, plus spécifiquement, dans l'exploitation d'un rapport de vraisemblance (« Likelihood Ratio ») intervenant dans le calcul Bayesien.

Le modèle Bayesien permet de reconsidérer une mesure d'incertitude à propos de l'existence ou de la non-existence d'un fait sur la base d'une nouvelle information acquise. Cette approche est commune à tous les domaines scientifiques (notamment la médecine) où les données sont combinées avec des informations a priori afin de fournir des probabilités a posteriori sur l'existence ou la non-existence d'un fait particulier.

Cette chance a posteriori s'obtient en multipliant la chance a priori par le rapport de vraisemblance qui mesure la valeur de l'indice matériel.

L'expert n'a pas (à la différence du témoin) connaissance des circonstances particulières du cas et n'est donc pas en mesure d'évaluer correctement les chances a priori en faveur ou en défaveur des hypothèses posées par la Cour. Il ne peut s'exprimer que sur le rapport de vraisemblance.

Une évaluation complète doit nécessairement associer l'information analytique de l'expert et l'information, collectée pendant la phase d'enquête, sur les circonstances de l'affaire. L'approche Bayesienne clarifie les positions respectives du scientifique et du juge et définit leurs relations : l'expert se concentrera sur l'évaluation du rapport de vraisemblance et le juge se chargera de l'évaluation des chances a priori et a posteriori.

Dans une récente communication à la première conférence des utilisateurs de l'ADN organisée par Interpol à Lyon en novembre 1999, Raphaël COQUOZ, professeur à l'Institut de police scientifique et de criminologie de Lausanne, estimait que les lacunes les plus importantes affectant le fonctionnement des laboratoires ADN concernaient le domaine de l'interprétation des preuves. « La capacité à exploiter les résultats dans un schéma rigoureux (tel que l'offre l'interprétation Bayesienne) est encore loin de l'optimal ».

Peut-être conviendrait-il alors d'intégrer également l'interprétation des résultats dans le contrôle de qualité en soumettant les experts à des exercices spécifiques qui pourraient être organisés sur la base des données d'une enquête simulée.

4.4. La conservation des prélèvements biologiques et des profils génétiques

Dernier maillon de la chaîne, le fichier national automatisé des empreintes génétiques offre à l'investigation judiciaire un outil essentiel qui permet de lutter contre la récidive, de rapprocher les affaires entre elles et de confondre un auteur à partir de traces non résolues dès lors qu'elles ont été précédemment enregistrées dans la base de données. C'est pourquoi un consensus général semble aujourd'hui s'établir pour élargir son champ d'application au-delà des limites qu'avait initialement fixées le législateur.

Parallèlement, la conservation, pendant une assez longue période, des échantillons de matériels biologiques placés sous scellés au cours des procédures, permettra, d'une part de réaliser des contre-expertises demandées par les magistrats en cas de litige, d'autre part, de pratiquer sur les traces indiciaires relatives à des affaires non élucidées, des analyses ultérieures bénéficiant des progrès techniques qui ne manqueront pas d'intervenir dans les années à venir.

Les lenteurs observées dans la mise en place de ces dispositifs sont d'abord imputables à la parution tardive (mai 2000) du décret d'application. Elles s'expliquent aussi par les délais de réalisation des infrastructures nécessaires et par divers problèmes techniques dont la résolution conditionne largement la fiabilité du système. C'est dire que, sans souhaiter un allongement excessif des délais, on peut comprendre le souci des experts de prendre toutes les précautions nécessaires à l'élaboration des solutions les plus appropriées.

4.4.1. La conservation des matériaux biologiques

Le service central de préservation des prélèvements biologiques installé à Rosny-sous-Bois dans l'enceinte de l'Institut de recherches criminelles de la Gendarmerie nationale disposera, pour sa mission, d'un bâtiment de 1000 m2 dont l'équipement doit être achevé en 2003.

Les problèmes de conservation diffèrent selon l'origine des scellés :

- s'agissant des traces indiciaires prélevées sur scènes de crime, la difficulté réside dans la dimension exacte du scellé qui doit être conservé.

Les enquêteurs qui procèdent aux prélèvements ne disposent pas des moyens scientifiques et techniques leur permettant de délimiter, sans risque d'erreur ou d'omission, la taille des supports matériels sur lesquels peuvent figurer des traces justiciables d'une analyse. Aussi transmettent-ils fréquemment aux experts, par mesure de précaution, des objets volumineux (matelas, fauteuils, tapis...) dont la conservation en l'état poserait d'évidents problèmes de stockage.

L'article R53-20 du Code de procédure pénale, dans la rédaction que lui a donné le décret du 18 mai 2000, dispose que les scellés contenant des échantillons de matériel biologique saisis dans le cadre d'une enquête préliminaire, d'une enquête pour crime ou délit flagrant ou d'une instruction préparatoire, doivent faire l'objet d'un conditionnement normalisé.

Les responsables du SCPPB jugent donc nécessaire que l'expert qui a reçu le scellé dans sa forme primitive procède à un repérage et à une identification des traces, découpe le support en conséquence et le conditionne pour envoi au centre de conservation.

Cette responsabilité ne peut être dévolue à l'expert en l'état actuel des textes qui confient aux seuls officiers et agents de police judiciaire compétence pour établir les scellés. Il conviendrait donc de modifier le Code de procédure pénale pour lui conférer la qualité d'OPJ ou, plus simplement, de déroger sur ce point précis aux règles générales de compétence.

- S'agissant des échantillons corporels prélevés sur les individus dont la condamnation est devenue définitive, la technique de prélèvement buccal, telle qu'elle est actuellement pratiquée en Angleterre comme en France, impose une contrainte lourde qui est la congélation de l'échantillon à - 20 °, voire à -80 ° sur une plus longue durée.

Aussi le SCPPB teste-t-il actuellement un procédé sous brevet américain qui permet de recueillir la salive sur un papier buvard traité pour préserver l'ADN et éviter les attaques bactériennes. Ce système qui ne requiert qu'une protection contre la lumière, la chaleur et l'humidité présente, en termes de coût de stockage, d'évidents avantages. Déjà adopté par le Canada, il est à l'étude en Angleterre. Si les tests s'avèrent parfaitement satisfaisants, le SCPPB mettra au point un kit de prélèvement contenant une carte, un masque, une paire de gants et des moyens de scellés.

Il n'est pas douteux, en tout état de cause, que des solutions économiques en espace et en coût de gestion devront être trouvées dans la perspective, désormais probable, d'une extension du fichier et, par voie de conséquence, du nombre d'échantillons biologiques stockés.

En revanche, la tâche actuellement dévolue aux greffes s'en trouvera allégée d'autant et l'utilisation éventuelle du mode de conditionnement que nous venons de décrire leur permettra de conserver, sans difficulté majeure, les prélèvements biologiques correspondant aux infractions qui demeureront hors du champ d'application de la loi.

4.4.2. La conservation des analyses d'ADN

La mise en place du fichier

Comme nous avons pu le constater lors de notre déplacement à Ecully, un certain nombre de conditions matérielles sont désormais réunies pour permettre le lancement du fichier : les équipements informatiques nécessaires ont été acquis et des locaux de bonne dimension aménagés à cet effet. Toutefois, un complément budgétaire est, selon les responsables de la police technique et scientifique, absolument nécessaire en 2001 afin d'installer les équipements relatifs à la sécurité du site central (installation de badges, notamment) et le système de traçabilité par code-barres.

En ce qui concerne, d'autre part, les moyens humains, un capitaine de police ainsi qu'un ingénieur biologiste ont été recrutés en 2000. Le recrutement de 6 à 7 opérateurs de saisie (parmi les personnels des corps administratifs de catégorie C) doit intervenir dans le courant de l'année 2001. Ces effectifs devront sans doute être doublés en cas d'extension de la capacité du fichier.

Un comité technique Police/Gendarmerie et un comité de pilotage ont été constitués pour traiter des problèmes juridiques et techniques nouveaux que pose la création du fichier.

Pour ce qui concerne la mise en _uvre sur le plan informatique, la Direction Centrale de la Police Judiciaire a rédigé le cahier des charges fonctionnelles nécessaires à la réalisation du logiciel d'exploitation du fichier par la Direction des Transmissions et de l'Informatique (DTI).

Il était de bonne méthode de tirer parti en ce domaine de l'expérience américaine en examinant dans quelles conditions le logiciel CODIS, déjà adopté par plusieurs polices européennes, pourrait être transposé dans le système français.

Une mission aux Etats-Unis a été organisée par la direction d'application du 22 au 25 janvier 2001 dans les locaux du FBI et de la société SAIC, concepteur du CODIS. Cette mission a permis de constater que ce logiciel est adapté aux besoins techniques (informatique et biologie) du FNAEG. Il semble, également, suffisamment souple pour être paramétré de façon conforme à la loi française. La direction d'application a donc demandé au FBI la mise à disposition de cet équipement afin de permettre à la DTI de confirmer l'adaptabilité du CODIS et, dans l'affirmative, de développer le système FNAEG sur la base de ce logiciel.

La mise à disposition du CODIS sur le site d'Ecully s'est faite dans la deuxième quinzaine du mois de mai 2001. Un fonctionnaire de police du service central du laboratoire chargé de la réalisation des tests a reçu, à cette fin, une formation à l'utilisation du logiciel américain aux Etats-Unis, du 23 au 27 avril 2001.

D'après les informations que nous a communiquées la sous-direction de la police technique et scientifique, la livraison du logiciel par la DTI serait programmée selon le calendrier suivant :

- 3ème trimestre 2001 : test des premières fonctionnalités (notamment saisie des données) ;

- fin du 4ème trimestre 2001 : livraison du logiciel comportant la totalité des fonctionnalités à tester ;

- courant ou fin du 1er semestre 2002 : livraison du logiciel testé et opérationnel.

L'enregistrement des données

La demande d'enregistrement et, par voie de conséquence, la transmission des informations au gestionnaire du fichier relève de la compétence exclusive de l'autorité judiciaire. Deux situations doivent, cependant, être distinguées :

- la demande d'enregistrement des traces peut être opérée par les officiers de police judiciaire lorsqu'elles ont été relevées et analysées au cours de l'enquête. La circulaire précise même qu'en cas d'urgence, la demande d'inscription peut être rédigée en même temps que la saisine de l'expert -et avant analyse- afin de permettre à celui-ci d'adresser lui-même la fiche d'enregistrement au FNAEG et d'en envoyer une copie avec son rapport à l'autorité mandataire.

- S'agissant, en revanche, de la transmission des empreintes des personnes définitivement condamnées, l'expert doit adresser son rapport, selon les cas, au procureur du Tribunal de Grande Instance ou au Procureur général de la Cour d'Appel qui sont seuls habilités à demander l'inscription de ces données au fichier.

Dans l'actuelle période transitoire précédant la mise en service du fichier, les informations relatives aux traces et aux condamnés sont transmises par l'autorité judiciaire et conservées dans l'attente de leur enregistrement. Cette période de « rodage » ne s'avère pas inutile car, ainsi qu'on nous l'a indiqué à Ecully, sur 119 saisines enregistrées depuis octobre 2000, 81 d'entre elles, soit 76 %, n'ont pu être validées en raison de lacunes constatées dans les formulaires d'enregistrement.

Cela étant, il convient de relativiser la portée de cette constatation : elle ne concerne en effet que des irrégularités formelles qui pourront être corrigées par la pratique et non l'exactitude des informations génétiques sur laquelle les gestionnaires du fichier ne peuvent, en tout état de cause, exercer aucun contrôle.

Il est, en revanche, un point qui suscite davantage d'interrogations : en faisant de l'autorité judiciaire un intermédiaire obligé entre l'expert et le fichier, la circulaire du Garde des Sceaux allonge le circuit de transmission et crée, par là-même, des risques supplémentaires d'erreurs matérielles, fragilisant ainsi, à son point terminal, une chaîne dont on a cherché par ailleurs à sécuriser les maillons scientifiques en instaurant des procédures rigoureuses d'agrément et de contrôle.

Ne serait-il donc pas préférable de permettre l'envoi direct des résultats des analyses par l'expert après notification par le Parquet du caractère définitif de la condamnation ? Ce mode de transmission a été écarté pour des motifs tenant à la protection des données personnelles que le laboratoire ne saurait conserver, même à titre transitoire. N'est-il pas possible de mettre en place un système d'identification par code-barres qui satisferait cette préoccupation sans compromettre la fiabilité du système ?

Il conviendrait, en tout état de cause, de supprimer la discordance existant entre l'ordre de présentation des six loci fixé par la circulaire et celui que fournissent les séquenceurs qu'utilisent aujourd'hui tous les laboratoires, pour limiter, là encore, les risques d'erreurs dans la transmission par ceux-ci des résultats d'analyses.

4.5. L'adoption de standards européens facilitant la coopération interétatique

La fixation de standards communs aux différents pays européens qui ont légalisé l'usage des empreintes génétiques en matière judiciaire s'avère indispensable pour permettre l'échange de données cohérentes entre laboratoires et coordonner les procédures de recherches relatives aux crimes transfrontières.

Deux catégories doivent être ici distinguées :

- les standards techniques comprennent les systèmes génétiques utilisés (type, nomenclature et méthodologie), les méthodes statistiques d'évaluation des résultats et la présentation du rapport d'expertise,

- les standards procéduraux portent sur les modalités d'accréditation des laboratoires, leurs compétences, l'accréditation des personnels, l'archivage et l'efficacité des tests.

Sur la base des recommandations émises par les instances européennes, un travail d'harmonisation a été entrepris à partir de 1996 par des groupes d'études émanant de divers organismes de coopération interpolicière dont la multiplicité n'était pas nécessairement un gage d'efficacité. L'effort de coordination accompli ces dernières années est en passe de produire ses fruits, au moins pour ce qui concerne la normalisation des marqueurs d'ADN.

4.5.1. Les recommandations et résolutions des instances européennes

4.5.1.1. La recommandation n° R(92)1 du 10 février 1992 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe relative à l'utilisation de l'ADN dans le cadre du système de justice pénale

Cette recommandation encourage la normalisation des techniques d'analyse de l'ADN tant au niveau national qu'à l'échelon international. « Cette normalisation pourrait obliger les divers laboratoires à collaborer en matière d'homologation des procédés d'analyse ou de contrôle » (point 10 de la recommandation).

Il est précisé (point 12) que « la communication transfrontière des conclusions d'analyse de l'ADN ne devrait s'effectuer qu'entre des Etats qui se conforment aux dispositions de la présente recommandation et, en particulier, dans le respect des traités internationaux pertinents sur l'échange d'informations en matière pénale, ainsi que de l'article 12 de la Convention relative à la protection des données ».

Ce texte devait être révisé en avril 2000 pour l'adapter aux évolutions scientifiques et le rendre plus restrictif sur certains points touchant notamment l'exigence de marqueurs situés hors des régions codantes du génome. Cette mise à jour a été retardée pour des raisons budgétaires.

4.5.1.2. La résolution du Conseil de l'Union Européenne du 9 juin 1997 relative à l'échange des résultats des analyses d'ADN

Cette résolution fixe deux grandes orientations en matière de marqueurs génomiques

- la création de bases de données nationales : dans la perspective de l'échange des résultats des analyses d'ADN entre les Etats membres, ceux-ci sont encouragés à constituer ces bases de données selon des normes identiques et en veillant à la compatibilité. Les possibilités d'échanges sont limitées à l'échange de données provenant de segments non codants de la molécule d'ADN, dont on peut supposer qu'ils ne contiennent pas d'informations sur des caractéristiques héréditaires spécifiques,

- la normalisation des techniques d'ADN : dans cette même perspective d'échanges de résultats, les Etats membres sont encouragés à structurer ceux-ci sur la base de marqueurs d'ADN identiques.

4.5.2. Les préconisations des organismes de coopération policière

Au niveau européen, divers groupes de travail ont été institués pour standardiser les techniques d'analyse et les procédures d'assurance qualité : GEDNAP (German DNA Project), EDNAP (European DNA Profiling group), ENFSI (European Network of Forensic Science Institutes).

De son côté, Interpol a créé en 1996 un groupe d'experts (DNA Profile Monitoring Expert Group) ayant pour mandat d'étudier la question de l'utilisation de l'analyse d'ADN comme technique d'enquête et de formuler des recommandations concernant l'utilisation de cette technique dans le cadre d'enquêtes criminelles afin de la promouvoir en Europe. Ses membres représentent l'Allemagne, l'Angleterre, la Belgique, l'Espagne, la Hongrie, l'Italie, la Norvège, les Pays-Bas, le Pays de Galle, la République Tchèque et la Slovaquie.

Dans le rapport présenté pour approbation à la conférence régionale de Dubrovnik (13-15 mai 1998), il a été recommandé aux pays membres « d'utiliser l'analyse de l'ADN, outil extrêmement efficace, dans le cadre d'enquêtes criminelles et de créer leur propre base de données génétiques, en s'appuyant sur les principes énoncés par le groupe de travail dans le présent rapport et sur les recommandations formulées par le groupe de travail de l'ENFSI sur l'ADN concernant le groupe de loci à utiliser en Europe ».

L'European Standard Set (ESS) préconisé par le groupe de travail de l'ENFSI, dans la réunion définitive adoptée à Madrid en décembre 1998, comprend les 7 loci STR qui ont été retenus par la France en Mai 2001 et, à des dates diverses, par la plupart des pays européens.

Aussi, la nouvelle résolution, en cours d'élaboration au Conseil de l'Union Européenne, recommandera-t-elle à tous les Etats membres de se conformer à cette proposition.

Elle suggérera d'autre part la création d'un formulaire d'échange d'informations entre les Etats comportant :

- le type d'infraction visé,

- le pays demandeur et le point de contact,

- la nature du profil (personne ou trace) sous forme anonyme,

- le profil,

- le laboratoire chargé de donner la réponse avec le code d'identification et les éventuelles informations complémentaires

La résolution recommanderait en conclusion la transmission des informations par voie électronique. Actuellement, la communication se fait entre points de contact sécurisés. Il avait été envisagé d'utiliser le serveur d'Europol mais cette solution n'a pas été retenue car elle aurait conduit à créer deux systèmes d'information, le mandat d'Europol étant limité à certains types d'infractions.

Ce texte devait être soumis fin mai au Conseil des Affaires Juridiques et Intérieures dans la perspective d'une adoption avant la fin de l'année 2001.

Si, comme on le voit, la normalisation internationale des méthodes d'analyse semble sur le point d'être acquise, l'effort d'harmonisation doit être poursuivi dans d'autres domaines essentiels touchant notamment les conditions d'accréditation et l'assurance qualité.

Le Président et plusieurs membres du groupe de travail de l'ENFSI ont conduit, en 1999, un audit auprès de plusieurs laboratoires européens pour vérifier leur capacité à se conformer aux standards techniques qui viennent d'être définis et identifier les points sur lesquels une assistance pourrait leur être fournie.

Par ailleurs, il a été créé un sous-groupe de travail sur l'assurance qualité afin d'engager les pays membres dans la voie de l'accréditation sur la base de la norme ISO/CEI 17025. Outre la référence à cette norme, le programme d'assurance qualité inclurait un standard spécifique pour les empreintes génétiques auxquels les laboratoires devraient se conformer.

La validation de ce programme est en cours au sein du groupe de travail. Il sera applicable pour l'alimentation des bases de données ou l'échange d'informations entre laboratoires.