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Conclusion et recommandations
Conclusion Au terme de cette étude, le jugement que nous portons sur la fiabilité des empreintes génétiques dans leurs applications judiciaires s'avère nettement positif. Qu'il s'agisse des modes de prélèvement, des techniques d'analyse, de l'équipement des laboratoires ou de la qualification des experts, rien ne permet de mettre en doute la validité d'un dispositif qui met à la disposition des juges des outils d'investigation efficace maniés par des techniciens compétents. Aussi les recommandations -au demeurant mineures- que nous formulons ci-après ne doivent-elles pas être interprétées comme une mise en cause du système, dans ses conditions actuelles de fonctionnement. Cependant, de nouvelles exigences vont apparaître, qui tiennent, d'une part, au surcroît d'activité des laboratoires lié aux demandes toujours plus nombreuses des autorités judiciaires, d'autre part à la mise en service du fichier automatisé et à sa probable extension à de nouvelles catégories de condamnés si l'Assemblée Nationale et le Sénat s'accordent pour modifier prochainement sur ce point le Code de procédure pénale. Il faut, par ailleurs, tenir compte du développement inévitable et souhaitable de la coopération transfrontière qui multipliera les échanges de données entre les pays européens et, plus largement encore, entre tous les Etats participant à Interpol. Il y a là, à court terme, un changement d'échelle qui accroît les risques d'erreurs matérielles. Aucune activité humaine, si encadrée et contrôlée qu'elle soit, n'est à l'abri d'une défaillance mais cette probabilité peut être réduite par la sécurisation de tous les maillons de la chaîne. C'est dans cet esprit qu'ont été élaborées les quelques préconisations qui suivent.
Recommandations 1 - Mise sous scellés et conservation des prélèvements biologiques - Il convient d'adopter, pour les prélèvements corporels, des techniques qui permettent, à fiabilité égale, de simplifier la conservation des échantillons sans devoir recourir à leur congélation. - Compétence devrait être donnée aux experts pour la mise sous scellés définitive des traces indiciaires afin d'éviter les problèmes d'encombrement, soit en leur conférant la qualité d'OPJ, soit en dérogeant sur ce point aux règles fixées par le Code de procédure pénale. 2 - Alimentation du fichier national automatisé - Pour éviter tout risque d'erreur dans la communication des résultats des analyses, l'ordre de présentation des loci doit être celui que fournissent les séquenceurs utilisés par tous les laboratoires. - Dans le même but, il serait souhaitable que les résultats soient transmis directement au fichier par l'expert sans avoir à transiter par le Parquet, celui-ci se bornant à notifier à l'expert le caractère définitif de la condamnation. 3 - Formation des personnels de police et de gendarmerie - Une formation élémentaire sur la protection des scènes de crime devrait être dispensée à la police de proximité. - Les techniciens en identification criminelle devraient recevoir une formation spécifique, soumise à révision périodique, sur les empreintes génétiques. - La création d'un institut de sciences forensiques sur les modèles suisse (Université de Lausanne) et écossais (Université de Glasgow) permettrait de dispenser une formation supérieure de criminalistique aux magistrats, policiers et gendarmes. 4 - Agrément des laboratoires et assurance qualité - Il convient de mettre en place, en liaison avec les autres pays européens, un système d'assurance qualité se référant à des normes communes. La certification des laboratoires délivrée par un organisme indépendant serait une condition nécessaire pour l'obtention de l'agrément. - Outre les techniques d'analyse et l'organisation des laboratoires, les normes de qualité devraient intégrer la formation des techniciens d'identification criminelle et les méthodes statistiques d'évaluation des résultats. 5 - Contenu du fichier automatisé Dès lors que les marqueurs utilisés pour les expertises judiciaires ne portent que sur la partie non codante du génome et ne peuvent donc fournir aucune indication sur un éventuel trait génétique étranger à l'objectif visé (origine ethnique, maladies ou prédispositions pathologiques), l'établissement d'une empreinte génétique est aussi respectueux des droits fondamentaux de la personne que celui d'une empreinte digitale. Aussi est-il souhaitable, pour renforcer l'efficacité du fichier, d'y inclure, d'une part, les profils des condamnés pour toutes les infractions d'une certaine gravité, d'autre part, les individus suspectés des mêmes infractions, les données étant bien entendu effacées de la base en cas de non-lieu, relaxe ou acquittement, selon une procédure rigoureusement contrôlée. Examen du rapport par l'Office L'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques s'est réuni le mardi 5 juin 2001 pour examiner le rapport de M. Christian CABAL. Le rapporteur a indiqué que l'analyse de l'ADN constitue l'outil d'identification le plus perfectionné dont disposent aujourd'hui policiers et magistrats. Elle peut contribuer à la désignation d'un suspect mais aussi disculper un condamné, comme l'illustre, aux Etats-Unis, l'actualité la plus récente. Mais si elle est aujourd'hui un instrument important de l'enquête judiciaire, elle doit rester associée aux méthodes traditionnelles pour construire le faisceau de preuves permettant d'établir la vérité. L'empreinte génétique se fonde sur le polymorphisme de l'ADN qui fait de chaque être humain un individu unique dont le profil peut être tracé à partir de toute cellule de son corps. L'analyse de ce polymorphisme qui se fait sur la partie non codante du génome permet, par comparaison entre un échantillon probatoire et un échantillon prélevé sur un suspect, d'établir soit une exclusion absolue, soit une possibilité d'inclusion. Ainsi peut-on identifier un suspect au moyen de traces laissées sur le lieu de l'infraction. Après avoir distingué l'ADN nucléaire et l'ADN mitochondrial dont le pouvoir de discrimination est plus faible, M. CABAL a évoqué les différentes techniques d'analyse dont la plus récente, la PCR (Polymerase Chain Reaction) permet, à partir d'une très faible quantité d'ADN, d'obtenir rapidement un profil génétique. Sa grande sensibilité accroît cependant les risques de contamination et impose des précautions draconiennes tant au stade du recueil qu'à celui de l'analyse. Le rapporteur a ensuite décrit les dispositions législatives et réglementaires qui encadrent l'utilisation des empreintes en matière civile (recherche de paternité) et pénale (enquête préliminaire et instruction). Le décret du 6 février 1997 a organisé l'agrément des experts et des laboratoires ainsi que le contrôle de qualité assuré par l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé. Quant au fichier automatisé, géré par la police technique et scientifique, et au service central de préservation des prélèvements biologiques confié à la Gendarmerie, ils ne concernent actuellement que les infractions de nature sexuelle. Cependant, l'extension à d'autres types d'infractions, qui paraît souhaitable au rapporteur, sera vraisemblablement décidée par le Parlement. Après avoir évoqué les législations étrangères, M. CABAL a abordé la fiabilité des systèmes qui repose sur la rigueur scientifique et technique appliquée à tous les maillons de la chaîne depuis le prélèvement de l'indice jusqu'à son exploitation finale. S'agissant des prélèvements sur les scènes de crime, ils doivent être opérés par des techniciens parfaitement formés à cette tâche. Les méthodes d'analyse sont aujourd'hui standardisées grâce à l'utilisation de kits et ne soulèvent donc pas de problème majeur. Quant au fonctionnement des laboratoires, les contrôles pratiqués jusqu'ici n'ont pas mis en évidence des insuffisances notables. Cependant, la mise en place d'un véritable système d'assurance qualité applicable à tous les établissements publics et privés s'avère indispensable, même si cette certification doit avoir des effets sur le coût des analyses. Pour ce qui concerne l'alimentation du fichier dont la mise en place ne sera effective qu'au second semestre 2002, il paraît souhaitable, afin de réduire les risques d'erreurs matérielles, de réduire le circuit de transmission en ne faisant pas de l'autorité judiciaire l'intermédiaire obligé entre l'expert et les gestionnaires du fichier. M. CABAL a enfin évoqué l'harmonisation européenne, déjà très avancée dans le domaine des techniques d'analyse, mais qui reste encore à développer en ce qui concerne les conditions d'accréditation et l'assurance qualité. En conclusion, le rapporteur a présenté plusieurs recommandations concernant la conservation des prélèvements, l'alimentation du fichier, la formation des personnels et l'assurance qualité. Il a souligné qu'elles ne mettaient pas en cause la validité actuelle du système mais se plaçaient dans la perspective de son développement qui accroît inévitablement les risques d'erreurs matérielles. M. Henri REVOL a souligné l'intérêt d'un tel rapport au moment où le législateur s'oriente vers une conception plus extensive du fichier national automatisé d'empreintes génétiques. Après avoir souligné la qualité de l'étude présentée par M. CABAL, M. Jean-Yves LE DÉAUT, Premier Vice-président, a insisté sur le fait que le profil génétique était établi à partir d'éléments non codants du génome. De ce point de vue, l'empreinte génétique ne se distingue pas de l'empreinte digitale et ne peut donc porter quelque atteinte que ce soit aux libertés individuelles. Aussi a-t-il proposé d'ajouter une recommandation visant l'extension du fichier à un plus grand nombre de condamnés ainsi qu'aux suspects, compte tenu de la longueur des procédures d'appel. Il a par ailleurs observé que la technique des empreintes génétiques fournissait un argument supplémentaire contre la peine capitale. Le rapport a ensuite été adopté à l'unanimité. 1 Béatrice DURUPT : La police judiciaire, la scène de crime, Gallimard, 2000, p. 23 2 Tel Jeffrey Tod Pierce, condamné à 65 ans de prison pour viol en 1985 par une Cour de l'Oklahoma (Libération du 11 mai 2001). 3 O. Pascal, Empreintes génétiques : pourquoi et pour qui ? Médecine et Droit 1998, 32 4 On parle d'homozygotie lorsque les deux allèles sont identiques, d'hétérozygotie lorsqu'ils sont différents 5 Philippe ROUGER - Les empreintes génétiques - PUF 2000, page 40 6 Sur l'amplification, cf. infra p. 15 7 Les empreintes génétiques en pratique judiciaire, Doc. Française 1998, p. 20 8 L'homozygotie signifie que l'on a hérité de chacun de ses parents deux allèles identiques et l'hétérozygotie de deux allèles différents. 9 C. Doutremepuich, op. cit. p. 23 10 O. Pascal - op. cit., p. 32 11 Dictionnaire permanent Bioéthique et Biotechnologie - Fasc. Empreintes génétiques, n° 9 12 Ibid, n° 10 13 Vincent Lesclous : Empreintes génétiques et procédures pénales in « Les empreintes génétiques en pratique judiciaire », Documentation française 1998, p. 115 14 Ibid 15 Le Monde, 12 avril 2001 16 Paul Gaughan et Peter D. Martin, Banques de données d'ADN en Grande Bretagne in Les empreintes génétiques en pratique judiciaire, Doc. Française 1998. 17 129 000 empreintes étant, au cours de la même période, effacées du fichier à la suite d'acquittements. 18 Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologics - Fasc. « Empreintes génétique » n° 7 19 Combined DNA Index System (cf. infra) 20 Docteur Dwight E. Adams, Directeur adjiont du FBI, audition devant la sous-commission criminelle de la Chambre des Représentants - 23/3/2000 21 La Tribune - 24/1/2001 22 European Network of Forensic Science Institutes 23 François DAOUST : L'empreinte génétique en question. Revue de la Gendarmerie nationale, 3ème et 4ème trimestres 1998 - n° 188 24 Comme l'indique la circulaire du 10 octobre 2000, OPJ et APJ restent compétents pour exercer ces prélèvements dans le nouveau régime de la garde à vue, la loi du 15 juin 2000 n'éxigeant l'intervention d'un médecin qu'en cas d'investigations corporelles internes. 25 Marc ROBERT : Empreintes génétiques et bases de données. Doc. Française, op. cit., p. 135 26 Thierry LEZEAU : L'importance de la scène de crime. Revue de la Gendarmerie nationale, 3ème et 4ème trimestres 1998, n° 188 et 189 27 cf. supra, p. 16 28 cf. infra, p. 55 29 Jean-Baptiste PARLOS, audition du 26 avril 2001 30 cf. supra, p. 31 et p. 34
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